NOTRE TRAGEDIE L'EXODE 1962-2

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VOS TEMOIGNAGES NOTRE DEPART D'ALGERIE L'EXODE DE 1962  - 2éme PARTIE

"On choisit pas ses amis on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus les trottoirs de Manille de Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher ...."  "Etre né quelque part"  Maxime le Forestier

"Imaginez... Demain vous partez une valise à la main !! Derrière vous la maison, les voisins, les odeurs ; le stade, l'église et le cimetière ; la couleur de la terre, de la lumière et sur ce banc votre premier baiser........Puis plus rien.

..Je suis peut être comme vous ,je ne voudrais retenir que les bons souvenirs, et c'est vrai que je vous ai sollicité concernant notre départ d'Algérie sachant que ça allait réveiller en nous des mauvais souvenirs car nous aurons forcément une pensée pour tous ceux qui ne sont plus là aujourd'hui et qui étaient sur le même bateau ou le même avion avec nous .

Pour moi pas question de forcer quiconque à faire ce témoignage chacun et libre de répondre à mon appel et on a le droit d'être en désaccord ,pour certain ce sera une délivrance de pouvoir en parler , pour d'autres ce sera remuer le couteau dans la plaie de cette cicatrice qui ne se refermera jamais,et d'autres refuseront d'en parler.

NOUS AVONS PROBABLEMENT PRIS LE MEME BATEAU OU LE MEME AVION DURANT L'EXODE DE 1962 MAIS JE RESTE PERSUADE QUE CHACUN D'ENTRE NOUS A SA PROPRE HISTOIRE.

A l'approche du cinquantenaire de notre départ d'Algérie.

Ayant crée dans mon site une nouvelle rubrique "Notre tragédie l'exode 1962" 1ére et 2éme Partie
je suis toujours à la recherche de récits et témoignages (Texte),concernant "Notre tragédie Humaine l'Exode de 1962" où nous avons du abandonner notre Pays ,notre ville ,notre village natal en bateau ,en avion ,en chalutiers ,à destination de la France ,d'Espagne ou d'ailleurs.

Que vous soyez d'Alger,d'Oran, de Constantine, Bône ou bien d'ailleurs aidez moi à faire connaître à nos enfants ,petits enfants cette tragédie humaine que la majorité d'entre nous avons connu.
Vous pouvez m'adresser vos textes en word ,en pdf ,par courriel ou par courrier je me chargerai de les faire paraître dans le site avec votre identité si vous le souhaitez à la prochaine mise à jour du site très prochainement.

Je sais que cet exercice est dur et pénible pour tous ceux qui l'ont vécu, même cinquante ans après ,cette blessure est toujours présente.

Je vous remercie par avance. Un grand merci à tous ceux qui m'ont adressé leurs témoignages.

Merci pour votre devoir de mémoire,votre aide et votre soutien permanent;

Au plaisir de vous lire. Je vous embrasse tous.

Amitiés .    jules segura


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Jules.segura@gmail.com

Tel  +33  06 13 98 15 17                  Fax    09 57 23 91 25

COUPEE EN DEUX CE 06 JUIN 1962    Any SALMERON de Bossuet


Je m'étais promis de ne plus jamais écrire, que des mots flamboyants sur mes années de vie en Algérie, mon enfance, mon adolescence, et mon éveil de jeune fille.
Je désirais rester forte ne plus tendre mon âme vers la souffrance, mais elle est partout malgré mes efforts.
Je voulais des mots simples, pour avancer sur un chemin nouveau, de partages, et de richesses, d'ouvertures et de savoirs, ne plus traîner, cette charge intérieure, et cette ferveur que je ressens pour tout ce qui concerne mon passé en Algérie.
J'ai souvenance du village de ma naissance Bossuet/Daya, situé à plus de 1300 m d'altitude, la neige en hiver, nos bagarres de boules de neige, nos doigts gelés, les planches qui nous servaient de luges.
Ces montagnes enneigées, si belles, si proches du ciel, que les rayons du soleil semblaient y glisser, pour nous offrir les couleurs de l'arc en ciel.
L'été si agréable car il ne faisait pas chaud (25°) la caserne de la légion étrangère, tant et tant d'images qui reviennent, quelquefois de manière agréables, et d'autres, comme des blessures.
Nous n'étions pas des colons, oh ! non, mon père était garde champêtre, une de mes sœurs receveuse des postes, mon frère facteur, l'administration quoi !!!
Un de mes beaux-frères était commis dans une ferme, le propriétaire un français de souche, ayant d'autres propriétés en Oranie, le payait au lance pierre, guère mieux que les autres ouvriers, ce qui voulait dire que tous les pieds noirs n'étaient pas des nantis, et qu'ils pouvaient être sous-payés, et traités eux aussi avec mépris.
J'en veux pour preuve, lorsque mon beau-frère, de souche espagnole comme moi (je le revendique) est rentré en France avec sa femme, son patron généreusement leur a payé les places en avion, et à son autre employé (français de souche) qui ne travaillait pas plus ni mieux que le mari de ma sœur, une ferme près de Marseille.
Une grande injustice, qui montre bien la mentalité de certains colons.
Il y a aussi Sidi Bel Abbès (où j'ai fait mes études) au Cours Commercial Cerdan, et où bonheur suprême, j'ai pu grâce à Jean Ségura, m'enrichir et découvrir le cinéma.
Comment oublier Le Palmarium, le partage avec mes 3 cousins Jean-Jean, François, Elisabeth, la salle obscure, et sur l'écran certains films, cultes maintenant, comme Johny Guitar, etc.. ils sont restés à jamais dans mon cœur, je ne peux penser, à ces moments sans avoir les larmes aux yeux.
Ensuite Saida, où je me suis sentie libre, j'y avais un emploi à la Préfecture, aux Services des Affaires Algériennes (SAS) j'ai travaillé avec les harkis, j'ai pu mesurer leur courage, et leur volonté d'être et de rester Français (je passe sous silence l'horreur qui leur fut réservée en guise de médaille du combattant) ! car les mots me manquent… !!!
Dans cette ville, (ma dernière résidence en Algérie) j'étais heureuse d'aller où mon coeur me portait, insouciante, aventureuse (j'avais une moto) j'en étais fière, car seule dans ce cas.
Les années 1960-1961 furent les plus intenses pour nous, les plus riches, rire, chanter, danser, nous avions FAIM de tout, une façon de repousser la FIN que nous sentions proche,
Car les évènements (comme ils étaient nommés de manière presque anodine), de crainte de faire peur,  nous préparaient à cette fuite, à ce départ, à cet inoubliable exode.
Le tout porté par la flèche de l'histoire de la colonisation, et de la guerre (oui guerre) de libération engendrée par le FLN, Algériens qui voulaient leur indépendance, mais l'Algérie étant la France, il était difficile pour nous d'envisager une autre solution que celle d'y rester, pour y vivre, travailler, et ensuite mourir.
Et que nous avons payé cher, dans nos coeurs, nos corps, surtout les anciens, qui ne comprenaient pas pourquoi ? et qui ont payé le plus lourd tribu,  ils aimaient leur soleil, leur mer bleue, leur montagne, leur richesse, que rien ne pourrait jamais égaler.
J'écris de manière qui vous semblera détendue, presque détachée, jusqu'à présent je n'ai pas évoqué !
Les premiers attentats, les corps mutilés, les viols, les grenades les bombes, les maisons et fermes brûlées, les enlèvements, les menaces, mais vous savez tout cela aussi bien que moi, sinon mieux ?
Et un jour, 5 mots (LA VALISE OU LE CERCUEIL) portés par le vent de la rancœur, de la défaite, de la douleur, de la revanche, je ne sais ? et ne juge pas ! ont fait leur chemin dans nos têtes, nos corps et nos cœurs,  au point de nous transformer tous et toutes, en êtres apeurés.
Il fallait partir, pour moi ce fut le 6 juin 1962.
2 Valises pour moi, 2 pour mon père, nous avons pris un car très tôt, j'ai oublié l'heure, c'est étrange comme certains souvenirs sortent de notre esprit, alors que d'autres y restent, encrés à jamais.
La fuite Saïda-Oran,

Une nuit sans sommeil,
douloureux réveil.
et journée pleine de soleil.

Ces arbres qui souriaient
les fleurs qui se courbaient
sur l'herbe pour l'embrasser.

Notre car qui roulait
des valises attachées
sur un porte bagage surchargé.

Mains qui écrasaient
les larmes qui coulaient
sur des visages fatigués.

Mon dernier voyage de Saida
à Oran, une route qu'on oublie pas,
des paysages gravés là...!

Au plus profond de mes souvenirs
j'avais 20 ans, je ne voulais pas partir,
j'essayais à tout prix de retenir

De toutes mes forces, les senteurs,
les cris, les couleurs,
de ce pays cher à mon coeur.

Mes yeux se sont fermés
lorsque l'avion s'est envolé,
Ils ne voulaient pas regarder.

Oran, et sa mer bleue
qui s'estompait peu à peu,
une douleur m'a coupée en deux.

La première m'a accompagnée
la 2ème est restée
dans mon pays bien aimé.

Les visages amis,
l'insouciance de jadis,
qui en moi sont inscrits.

Et 50 ans après
je cherche encore à les ressouder
mais n'y parviens jamais.

L'arrivée à Oran-La Sénia.
Pour moi c'était normal, le ciel ne pouvait être que de notre côté, en demandant au soleil de ne pas briller, mais de pleurer, c'est donc des larmes de pluie qui sont tombées pendant les 3 jours où nous sommes restés, sur un terrain de l'aéroport.
Des tentes étaient installées, avec des lits de camps, leur nombre, impossible à évoquer.
Nous étions parqués, comme des animaux, impossible de sortir, des barbelés, des grillages, et au loin, des fumées, des entrepôts qui brûlaient, des cris, des sirènes…
Et cette boue, partout, qui semblaient vouloir nous retenir, nous coller au sol, nous dire, il faut rester !
Et ces pleurs d'enfants, et ces personnes âgées, qui fièrement essayaient de retenir leurs larmes, pour nous encourager, malgré leur chagrin, ils aidaient les militaires à nous servir repas, café, ou jus de fruit.
Je crois que je n'ai presque rien mangé (pendant 3 jours) avec la pluie persistante, et ce mal qui était en nous,  j'avais envie  de fermer les yeux, de pousser un hurlement qui arrêterait tout, au point qu'en les ouvrant.
Saïda serait là pour m'accueillir !
Rien de tout cela.
Une fois dans l'avion, après l'attente, et tout le reste.
Et l'arrivée rapide, si rapide à Marseille, comme un cadeau, pour nous consoler, en nous faisons mesurer la courte distance entre ces 2 villes de méditerranée.
Impossible de pleurer, nous n'avions plus de larmes, nos yeux étaient secs, ils ne voyaient rien, un car de Marignane à la gare St Charles.
Et là, l'accueil, le bel accueil, l'inoubliable accueil !
Assis par terre, nos valises près de nous, nos seules richesses, que nous tenions à conserver, car avec nos quelques souvenirs, et vêtements, il y avait aussi cette fierté que nous tenions à garder, sans rien demander, même à ces dames de la croix rouge, qui nous proposaient d'un air détaché, du café, des petits gâteaux secs, des bonbons, avec un gentil sourire et surtout ces mots !
Ca va ??? vous allez voir, tout va s'arranger pour vous !
Et hop ! elles nous tournaient le dos, pour s'adresser à un autre naufragé, de la même manière.
Pas de cellule psychologique pour nous écouter, essayer de nous comprendre, d'entendre nos mots de peur, de rancœur, d'angoisse.
Ceux qui étaient là avec moi, avaient pour but d'aller retrouver un ami, un parent, une connaissance, quelque part dans ce pays qui était le nôtre, et qui n'avait rien d'autre à nous proposer que ces quelques gâteaux, et ces mots sans importance pour nous.
Le chemin de l'exode était là, visible, il nous menait vers l'inconnu, bien sur pour ceux qui n'avaient rien, rien d'autres que leurs bagages, leurs mouchoirs roulés en boule, et cet insoutenable regard où peu à peu la haine avait remplacé la fierté.
Pour moi voyage en train jusqu'à Bordeaux, où une de mes sœurs habitait.
Nous avons pris un taxi pour nous rendre chez elle !
Honteux, brisés, sales, nos vêtements froissés.
Et là, il a fallu très vite chercher du travail pour moi, mon père était à la retraite.
Ma sœur n'ayant pas trop de place, il a fallu aussi se loger.
Le prix que je n'ose indiquer pour une pièce blanchit à la chaux, avec un lavabo en guise d'évier.
En France les Pieds Noirs étaient tous des nantis, enrichis sur le dos des Algériens (qui à cette époque étaient mieux vus que nous).
Le taux de la bourse des loyers fut intéressant pour certains logeurs malhonnêtes, et profiteurs, qui souvent étaient des marchands de sommeil.
Chercher du travail ne fut pas facile, je ne pouvais attendre que l'on me propose un emploi dans une Préfecture, j'étais célibataire, normal que l'on donne la priorité à des chefs de famille, ou des femmes seules avec enfants.
A Bordeaux (ville bourgeoise) où les racistes étaient virulents, ils comparaient les Pieds Noirs à des Allemands, pour ne pas écrire des nazis.
La phrase " vous n'êtes pas Française " entendue maintes et maintes fois, me faisait réagir.
Je répondais inlassablement, " pas Française.. mon père s'est battu à Verdun.. et je suis née dans un département Français, si cela se trouve vous non ? "
Je passe sur le mépris, sur les réflexions, sur toutes ces idiotes évocations sur nos origines, et même sur les injures.
Tout ce qui a fait qu'après les blessures, les incertitudes, les manques, les pleurs, et ce que nous avons vécu tous et toutes.
Nous continuons à porter en nous et à diffuser, cette façon de vivre, cette douceur du partage, sans effacer dans nos cœurs les souvenirs de notre belle terre d'Algérie.
Je demande à ceux et celles qui vont me lire, de pardonner cette façon que j'aie de revenir sur mes mots, mes phrases.
Un retour en arrière, ensuite le présent.
J'ai trouvé du travail (clerc de Notaire) à Bordeaux, ensuite je me suis mariée, pour aller vivre à Paris,  et là un nouveau problème.
Lors de mes recherches d'emplois, comme j'étais née en Algérie, afin de rassurer mes éventuels employeurs, je devais montrer en plus de ma carte d'identité, le livret militaire de Claude (mon époux) qui ne pouvait me donner sa CI.
Lorsque je pense à tout cela, et à mon impuissance à dire réellement ce que je pensais, à ces personnes odieuses.
J'ai écrit, mais cela n'a servi à rien, vous vous en doutez ? aux services des rapatriés, pour signaler ces faits méprisants, indignes, voire insupportables.
J'ai passé un concours, trouvé un autre travail, etc… ! Pas facile pourtant !
Qui rendre responsable de tout ce qui nous est arrivé ?
Nous avons payé très cher, le fait d'être né en Algérie !
Car quoi qu'il arrive, il y a en nous un grand vide…et cet exode qui ne se terminera jamais.
Je n'ai aucune honte à écrire, que je n'ai pas encore coupé le cordon qui me relie à l'Algérie, il faudra bien que je le fasse un jour.
Je n'y arrive pas, pourtant je suis heureuse.
Ce soir, cela fait presque 50 ans, que j'ai quitté ce sol magique, cette terre d'amour, terre retrouvée 2 fois ensuite, juste revue et quittée à nouveau.
Les larmes qui ont mouillé, ma route depuis le 6 juin 1962, sont comme les cailloux du petit poucet, le chemin est long, je me retourne souvent, pour essayer de retrouver les images du soleil, du ciel bleu, les dunes de Colomb Béchar, et les voix chantantes de ceux que j'ai aimés.
Le coeur battant, les jambes tremblantes, je ferme les yeux, les ouvre à nouveau, et tout est là.
C'est sans doute un rêve, mais il est palpable, presque réel, alors je m'en contente.


(AnY  Salmeron - 17 février 2012)


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Coupée en deux ce 06 juin 1962

UN SOIR DU 5 JUILLET 1962  Adrienne CHAMPREDONDE de Zegla


Un soir de fin juin 1962 comme à l'accoutume, mon père, rentrant de son travail,(il était garde forestier, ou quelque chose du genre) dit en rentrant à ma mère, "on va partir en France". On ne peut plus rester ici, les ' fellagas '  tuent tout ce qui bouge. Ma mère commença à pleurer, et nous les enfants (7), nous posions un tas de questions aux qu'elles, ils ne pouvaient pas  répondre, j'avais 15ans,
      A 15 ans on croit tout savoir, j'avais un petit copain, il s'appelait  Claude Doux, nous habitions à Mercier Lacombe tout s'écroulait pour moi. Ses parents et les miens en parlèrent, et il m'offrit une jolie bague et nous voilà fiancés, j'étais heureuse, à 15 ans !!!! Rien ne pouvait nous séparer, même pas la mer Méditerranée.
      Ma mère s'affairait à faire 2 misérables valises avec quelques vêtements pour 7 enfants et mes parents. Comment arrivait t- elle à réfléchir à ce qu'il fallait emporter, je ne le sais pas.
      Et voilà que tout se précipite, maman donne à droite et gauche le peu de vaisselle que nous avions, un camion embarque la machine à laver (oh à cette époque c'était un investissement que d'en avoir une) le dernier grand matelas acheté, et quelques cartons.
      Nous voilà dans le car, entassés, avec d'autre gens, des gosses qui pleuraient, mais des adultes aussi, maman pleurait beaucoup. Papa lui était dans le camion, avec nos affaires. On allait chez ma grand-mère à Sidi-Bel-Abbès.
      On y passa 2 ou 3 jours chez (mémé), et de là, un autre car avec plein de gens en pleurs, on part sur Oran,......
      Et là c'était l'horreur pour des yeux d'enfants !!! les arabes nous criaient des insultes, jetaient des pierres sur le car qui passait, on hurlait de terreur, je n'oublierais jamais de voir autant de haine venant de ces gens agglutinés sur notre parcours le long de cette interminable route qui nous mène où  ??????
      Enfin, on arrivait sur le terrain d'aviation d'Oran, et là nous sommes parqués dans des tentes de l'armée, avec lits de camps et l'on nous a donné à manger des casse croûtes de pâté, et de l'eau ou avec un peu de (coco) genre anthésite comme boissons.
      On dormait sous les tentes, à 2 sur un lit de camps, pour les petits.
Au petit jour on était réveillé, par le bruit assourdissant d'avions qui se posaient, mais aussi des arabes sur des camions qui faisaient le tour du camp en brandissant des fusils et mitraillettes, tout en hurlant envers nous et avec le pouce, faisaient le signe sous la gorge, voulant dire qu'ils nous égorgeraient tous.
        Ainsi, nous sommes restés 2 jours dans cette situation. Puis en pleine nuit le rythme des évacuations s' accéléra et les soldats nous réveillèrent pour partir dans le hall d'embarquement où le sol était jonché de bagages d'enfants qui dormaient à même le sol, des parents éperdus.
      Désarroi, cris d'enfants réveillés, les adultes effrayés, et nous voilà à la queue leuleu ,prêt à partir en urgence, les arabes hurlant dehors, tirant des coups de fusil en l'air, les avions arrivaient, faisaient le plein de carburant et de réfugiés et repartaient aussitôt.
      Mon petit frère hurlait, "je ne veux pas monter dans l'avion", ma petite soeur aussi répétait comme lui, alors un soldat prit les deux sous chaque bras et on s'est mis à courir vers l'avion qui nous attendait, les arabes devenaient menaçant dehors.
      Et nous voilà tous apeurés et en pleurs dans cet avion qui nous emmenait autre part, en pleine nuit vers cette terre inconnue qu'on dit être la France.
      Nous avons atterri à Toulouse au petit matin, il faisait un peu plus froid que chez nous en ce 5 juillet 1962 sous une pluie fine, mauvais accueil pour nous (les algériens ) comme les Français nous ont appelé au début.
    Nous avions une petite chance, ma famille et moi, c'est que notre oncle  nous acceptait provisoirement chez eux, vu qu'il était installé depuis 2 ans auparavant avec ma tante et mes cousins et cousines.
    Cela dura peu de temps, la vie était impossible avec tout ce monde, dans une si petite maison à Tarascon. Là, mon père reçu une convocation à Paris au siège de l'ONF, et en 10 jours on nous a installé en pleine forêt dans une maison forestière, sans eau courante ni wc  à 11km du premier village où 2 fois par semaine, sacs au dos, on allait chercher des vivres  à pieds.
    Mon père entreprit vite de construire une petite cabane qui servit de wc au coin d'un petit jardin, mais avant l'hiver on déménagea pour pouvoir aller à l'école.
    Mes frères et sœurs purent aller à l'école et moi dans un collège professionnel à moins de 5 km de notre nouvelle demeure. Il est vrai que, nous les pieds noirs n'étions pas les bienvenus au début. Mais par la suite la vie reprit son cours  presque normal. Mes parents n'étaient pas très heureux dans cette nouvelle vie.
    Puis arrivèrent mes grands-parents que nous avions quitté quelques mois auparavant, à Sidi-Bel-Abbès. Nous étions  (presque) heureux, mais hélas ce nouveau pays ne convenait pas à mon grand père, il fut très vite malheureux et malade, il mourut sur ce sol Français dont il ne voulait pas moins de 6 mois, après son arrivée. Nous étions  effondrés de douleur.
    Puis la vie reprit son rythme, mon père, garde forestier partait tous les matins à son travail, maman s'occupait de la maison, et nous allions tous à l'école.


Ce récit est écrit par Adrienne Champredonde  ( Estermann ),65 ans ,et complémentarisé,par ma mère, 82 ans Mme Champredonde Isabelle.

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Un soir du 5 juillet 1962

LE CHEMIN DE L EXIL AVRIL 1962 de Isabelle AGUERA PARRA

LE CHEMIN DE L'EXIL
Avril 1962
Isabelle PARRA  du Télagh


Je suis née en 1936 à Aïn-El-Hadjar. Originaire de la province de Murcia, en Espagne, ma famille était venue en Afrique du Nord pour travailler et contribuer à développer l'Algérie coloniale.
Mon père avait été embauché comme métayer à Aïn-el-Hadjar pour s'occuper des cultures, des champs pour des fermiers déjà installés. Adolescente, à 14 ans, je devais aller travailler pour aider mes parents car nous étions 4 frères et sœurs. J'avais été placée chez  des exploitants agricoles.  Nous étions employés au même titre que les arabes. La nuit je dormais à même le sol avec des mauresques et pour accompagner un maigre repas, on nous donnait parfois la moitié d'une orange.


Ensuite, j'ai rencontré mon mari natif du Télagh, de famille originaire lui aussi d'Espagne, d'Andalousie, et nous nous sommes mariés en 1957.
Il était maçon. Nous vivions au Télagh. Nous étions logés, souvent dans des appartements attenants aux chantiers, pour la construction des mairies de Marhoum et Arzew, la gendarmerie de Balloul, la poste de kralfallah.


La peur, la terreur sont venus progressivement : dès 1955, il y a eu des disparitions : des voisins disparus, le père et le fils, à Bourrached, quand nous vivions encore à la ferme de mes parents. Mes cousins et cousines du même village, tenus en otage, ligotés par le FLN toute une nuit.
Les années suivantes, des crimes avaient été commis : des pieds-noirs retrouvés mutilés, des femmes enceintes éventrées. Il y eut les émeutes et attentats : à Alger, la rue d'Isly  et à Sidi-Bel-Abbès où nous étions allés manger chez une cousine, avec nos deux enfants de 2 et 3 ans. Nous venions de passer près d'un bar, quand soudain nous avons entendu une grande explosion, une bombe avait été placée dans le porte-bagages d'un vélo. Je me souviens du bruit. Il y avait un beau ciel bleu et du sang partout. Dans ce bar, ce jour-là, un bal avait été organisé pour des jeunes. Au Télagh, le propriétaire d'un café fut retrouvé le cou tranché par une mauresque, derrière le comptoir.
Nous avons dû partir précipitamment du chantier de kralfallah, où nous étions hébergés par la mairie, sous les menaces d'un fellagha qui nous disait, qu'il allait nous tuer si nous ne partions pas immédiatement « Nous sommes chez nous, partez ! ».
Après le couvre-feu de 20 heures, nous avons failli tuer mon beau-frère : il tapait pour rentrer chez nous, avec insistance. Nous avions le fusil prêt à tirer croyant l'intervention du FLN.


Un jour, en rentrant d'un anniversaire, quand mon mari avait son chantier à Balloul, nous nous sommes retrouvés sur la route après le couvre-feu. Trois fellaghas nous ont arrêté et sont montés dans le véhicule, nous menaçant,  pour que nous les transportions jusqu'à la ville voisine. Nous avons eu très peur ce jour-là.


Nous avions entendu, une nuit, des tirs de mitraillette ; le lendemain un homme ivre avait été retrouvé tué. Souvent, après le couvre-feu, des fusées lumineuses et des grenades étaient lancées.


Pendant la guerre, mes parents étaient repartis en métropole, ma sœur s'était mariée à Strasbourg, Celle-ci leur avait trouvé un logement près de Toulouse, proche de la famille de son mari.
En septembre 1959, nous sommes partis rejoindre mes parents, en avion.
En mai 1960, mon mari ayant encore toute sa famille et son travail en Algérie, nous sommes donc rentrés au Télagh, avec l'espoir toujours que la guerre s'arrête et que l'Algérie reste française.


En mars 1962, dès que le cessez-le-feu fut déclaré, nous avons décidé notre retour en France, avec nos deux enfants. Notre premier départ était prévu d'Oran,  par bateau. Il fut annulé. Tous les conteneurs avaient été verrouillés par l'OAS pour que personne ne puisse mettre les bagages et nous sommes partis à la hâte sous les lancers de projectiles, d'oranges pour qu'on reparte chez nous.
Nous avons fait une deuxième tentative, toujours départ prévu d'Oran. A nouveau annulé. Retour au Télagh et de nouveau deux cent kilomètres à faire avec l'angoisse, toujours la peur de tomber sur les fellaghas car nous devions traverser une forêt.


Puis enfin, le 27 avril 1962, nous avons eu un départ pour la France, du Port de Mers-el-kébir , avec le bateau  El Djezaïr.  Nous sommes partis le matin.
Cependant, lors de la traversée, notre navire s'est retrouvé complètement arrêté en méditerranée. Tombé en panne de cheminée. Après un temps qui nous a paru interminable, le bateau a pu repartir pour arriver avec quelques heures de retard à Marseille, puis ensuite nous nous sommes rendus dans la banlieue toulousaine.


Il a fallu tout redémarrer à zéro. Par la suite, nous avons rencontré des difficultés et des embûches sur notre chemin,  pour construire notre vie et nous reconstruire. Mais aujourd'hui, nos enfants et petits enfants sont là, pour continuer à ne pas oublier leurs racines et perpétrer nos traditions Pieds-noirs.

Isabelle AGUERA



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LE CHEMIN DE L EXIL EXODE AVRIL 1962

GABRIEL GIMENEZ DE PARENTS ESPAGNOLS A DU QUITTER L ALGERIE AU MOMENT DE L INDEPENDANCE

L Yonne Républicaine
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Lorsque Gabriel Gimenez évoque ses souvenirs en Algérie et ses recherches pour retrouver sa famille, il est bouleversé.? Photo Florian salesse
Séparé de sa famille après avoir été rapatrié d'Algérie à la fin de la guerre, Gabriel  Gimenez a consacré sa vie à retrouver ses proches.
C'est l'histoire d'un déracinement. D'une déchirure vécue par un gosse de 9 ans, pied-noir et profondément attaché à sa terre natale, l'Algérie. Gabriel Gimenez, âgé aujourd'hui de 60 ans, se rappelle : « Deux personnes de la mairie » sont venues le chercher, lui, son frère, ses deux sœurs et ses parents dans leur petite maison de Mers El-Kebir, un village situé tout près d'Oran. On est au printemps 1962, l'Algérie gagne son indépendance. La famille Gimenez, installée là depuis la fin du XIXe siècle, doit partir.
« Ma mère a juste eu le temps de décrocher les rideaux pour en faire des baluchons dans lesquels on a mis un peu de linge. » Le retraité auxerrois se souvient de cette journée. « On nous a fait monter à l'arrière d'un camion benne mais sans vraiment nous donner d'explication. Je revois encore mon petit chien qui court derrière le camion. »

Direction le port d'Oran. Le bateau. L'arrivée à Marseille. « Je me rappelle avoir trouvé le voyage extrêmement long, il y avait beaucoup de monde. » Puis le train, en route pour Paris avant de poser les baluchons dans un centre de rapatriés dans la région d'Evreux. « Le ciel n'était plus le même, le climat non plus, c'est comme ça, qu'avec ma vision d'enfant, j'ai compris que nous n'étions plus en Algérie. »
Séparé de son frère et de ses sœurs,Dans les mois qui suivent son arrivée au centre, la famille Gimenez est à nouveau déchirée, cette fois par la séparation. « Ma mère a beaucoup souffert du départ d'Algérie, elle est tombée malade, a été hospitalisée. Elle est décédée en 1964. Mon père était lui aussi à l'hôpital mais je l'ai jamais revu. » La fratrie est divisée. Les quatre enfants sont placés en foyer d'abord, chez une nourrice ensuite. « Durant plusieurs années je ne savais pas où étaient mon frère et mes sœurs et j'étais habité par l'envie de les retrouver. » Alors qu'il n'est qu'adolescent, Gabriel Gimenez cherche sa famille et retrouve d'abord sa sœur. Elle était « chez les sœurs », pas loin d'Evreux. « J'ai pu la revoir, c'était bouleversant. » Son frère, il le retrouve près de quinze ans plus tard, « après avoir fait ma petite enquête ». Mais toujours aucune nouvelle de sa plus grande sœur.

« D'Evreux, je suis parti à Auxerre car j'ai appris qu'un oncle et une tante s'y étaient installés. Ils avaient eux aussi quitter l'Algérie, peu de temps après nous. » Gabriel Gimenez fait alors sa vie dans l'Yonne, se marie, travaille. « Avec toujours dans un coin de ma tête, l'objectif de retrouver ma sœur et d'autres membres de ma famille », de reconstituer ce que les conséquences de la guerre ont brisé.
Ce n'est qu'au milieu des années 80, plus de vingt ans après leur séparation, qu'il découvre que sa sœur vit près de Versailles. « Dès que j'ai su, le soir même, je suis parti la voir. » Ca y est. Gabriel Gimenez  sait où sont ses frères et sœurs mais il ne veut pas en rester là.
« Mes parents étaient tous les deux sourds et muets et, mis à part qu'ils étaient nés en Algérie de parents originaires d'Espagne, je ne savais pas grand-chose. »
De ses oncles et tantes laissés en Algérie, l'homme ne sait donc rien. Il se souvient juste du nom de son village, de sa rue où son père avait une petite boutique de cordonnerie. « Sur Internet, j'ai posté des messages sur les sites en lien avec Mers El-Kebir en expliquant où j'habitais et en demandant si quelqu'un avait connu ma famille. »
Gabriel Gimenez frappe à toutes les portes, demande partout les actes d'état civil de ses parents, de ses grands-parents. S'il parvient à découvrir que son grand-père paternel est né dans le sud de l'Espagne, il a beaucoup de mal à retrouver les traces de son père. « Je savais juste qu'il était né en 1907, à Saïda, dans l'arrière-pays oranais. » C'est finalement via Internet qu'il va avancer. « Un Algérien m'a contacté et m'a envoyé l'acte de naissance de mon père. » Un cadeau immense pour cet homme qui vit avec des bribes de son passé.
Sur sa terre natale, 48 ans après.

En 2010, 48 ans après avoir été arraché à l'Algérie, son pays natal, Gabriel Gimenez  y retourne (lire par ailleurs). Il veut revoir sa terre, son village. « Quand j'ai atterri à Oran, j'ai ressenti une émotion très profonde et en arrivant à Mers El-Kebir, une amie d'enfance, une femme qui jouait avec nous, était là et m'a serré dans ses bras. » Quand il raconte, Gabriel Gimenez ne peut contenir ses larmes. « J'ai revu la maison de mon enfance, le lieu où j'ai vécu avec mes parents. La porte d'entrée n'a pas été repeinte depuis notre départ. La seule différence, c'est qu'aujourd'hui, il y a l'électricité. À l'époque, nous nous éclairions à la lampe à pétrole. »
Patiemment, Gabriel Gimenez recolle les morceaux de son histoire. Il a récemment découvert, via des sites spécialisés en généalogie, qu'il avait des petits cousins du côté de Saint-Dizier, en Haute-Marne. Il est d'ailleurs allé les voir. « Nous gardons le contact », insiste-t-il.
C'est sa façon à lui de prendre une revanche sur une guerre qui a fait « des dommages collatéraux douloureux ». Envers les Algériens, Gabriel Gimenez ne porte ni jugement ni haine. « Ils ont voulu être indépendants, c'est tout à fait normal. » À l'État français, en revanche, il en veut « un peu ». « Il aurait fallu que ça soit organisé autrement pour éviter à des familles d'être dévastées. »

Émilie Zaugg
emilie.zaugg@centrefrance.com



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GABRIEL GIMENEZ DE PARENTS ESPAGNOLS A DU QUITTER L ALGERIE

NOTRE DEPART D'ALGERIE UN ETE 1962  Jules SEGURA Le Telagh

Après autant d'Années de Silence
Envie de Raconter à qui, pour qui ……..à nos Enfants, Petits Enfants,
ou peut-être tout simplement, à moi-même !.
Non je vous dis que Non, Non je n'ai pas de bête, pas de Chien, et n'en aurai jamais plus...!

Depuis l'Algérie Le Telagh mon village natal où nous avons été obligés de tout abandonner, même mon chien que nous avions baptisé Tarzan, laissé sur le trottoir devant le bar, il hurlait la mort pendant nos préparatifs de départ, dans la nuit de juillet 1962.
Il nous a suivi un très long moment, courant derrière la voiture à perdre haleine dans la descente en bas du village qui menait à Sidi Bel Abbés.
Avec mes soeurs et mon frère, nous le quittions plus des yeux au travers de la vitre arrière, et dans le vacarme que faisait le moteur dans le silence de la nuit, nous sentions le long de nos joues couler de petites larmes, en sanglotant nous étions blottis les uns contre les autres.
Au bout de plusieurs mètres notre Tarzan capitula et s'arrêta net, haletant, exténué par cette longue course inégale face au bolide de mon père, vous pensez une Peugeot 203 !!, dont la conduite s'est avérée très nerveuse ce soir là.
Un silence lourd régnait tout le long du trajet, nous avions sur notre galerie, où porte-bagages, un matelas roulé comme un saucisson, deux valises, une malle en tout et pour tout .Notre première destination, nous devions traverser Sidi Bel Abbés située à 60 kilomètres au Nord du Telagh, mon Dieu que ce trajet fut long et pénible dans cette atmosphère si lourde et pesante dans la 203 grise.
Chacun d'entre nous, repensions à ce que nous n'avions pas pu prendre faute de place, on aurait aimer tout prendre comme dirait certain, certes notre voiture était assez confortable pour l'époque, mais avec quatre enfants dont moi le plus âgé 16ans et le plus jeune 7 ans, il ne restait plus beaucoup d'espace pour d'autres bagages même de fortune ,sur la banquette arrière.
Mon père refaisait constamment le point concernant l'itinéraire, car il nous fallait ensuite rejoindre la ville d'Oran, située à environ 80 kilomètres me semble t-il, tiens je crois d'ailleurs que nous étions immatriculés en 9 G pour l' Oranie et 9 A pour Alger.

Oran, après avoir franchi de multiples barrages, subit plusieurs fouilles et vérifications de papiers par la Police locale et membres du F L N ( Front de Libération Nationale ), nous traversions certain quartier complètement en ruine suite aux opérations de destruction appelées "Terres Brûlées" pratiquées par l' O A S ( Organisation de l' Armée Secrète ).
Nous pouvions apercevoir d'épaisses fumées noires qui s'élevaient dans le ciel avec une odeur désagréable de caoutchouc brûlé et de mazout. Nous étions loin d'être rassurés, car au loin nous entendions plusieurs explosions accompagnées de tirs de fusils et d'armes automatiques.
Arrivés enfin au Port d'Oran, d'énormes paquebots étaient à quai comme le Ville D'Oran, Le Kairouan, les quais étaient noirs de monde, des milliers de personnes attendaient leur tour d'embarquement avec au sol leurs valises ,des malles ,des matelas. 

Après moultes palabres et heures d'attente, pour finalement nous entendre dire qu'il n'y avait plus de place pour nous, mais restait encore des places disponibles pour l'embarquement de voitures à destination de Marseille, Sete, Port-Vendres.
Très difficile pendant cette période d'obtenir des billets de bateau ou d'avion tout était complet, les départs furent tellement massifs et inattendus, il faut dire que personne n'avait envisagé un départ aussi soudain, ça nous semblait tellement irréel de tout quitter, de tout abandonner, personne n'y croyait vraiment jusqu'à l'Indépendance du 1er juillet 1962.

Aujourd'hui je suis choqué et je m'aperçois, que notre village se vidait petit à petit , tout le monde partait le plus discrètement possible, même parmi nos proches ,amis ,chacun avait peur d'annoncer son départ , Peur !! , Peur de quoi, une fuite, des représailles, n'oublions pas également que certain ont du fuir précipitamment suite à des menaces réelles ou fictives pour s'emparer de nos biens....est-ce pour ne pas compromettre la sécurité de notre fuite ? que sais-je !!! .

C'est le choix par obligation, que mes parents ont fait comme tant d'autres, d'envoyer le véhicule sur Marseille et prendre l'avion ,de ce fait nous nous sommes rendus à l'aéroport d'Oran La Senia, où nous avons pu obtenir des places ,après pas mal d'attente au milieu d'une foule nombreuse .
L'avion en partance pour la France, Aéroport de Marignane près de Marseille, était je m'en souviens comme si c'était hier, une Caravelle en très bon état, par contre subsiste un doute et ma mémoire me fait souvent défaut, s'agissait-il de Air Algérie je crois que oui, ou Air France ? en 1962.
C'est avec une certaine appréhension et curiosité et je dois dire, avec fierté que nous montions à bord de cet énorme oiseau, c'était bien sûr notre premier vol.

Je le dirai souvent je crois, nous étions nous, enfants inconscients, moi un peu moins peut-être, vu mon âge par rapport à mes soeurs et frère, nous nous apprêtions à nous envoler vers un Pays certes La France notre Pays ,mais inconnu de tous du moins des jeunes générations.
Car la plupart de nos pères Pieds Noirs ont foulé le sol Français, comme mon père et tant d'autres le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie avec la 2e D.B  Division Blindée du Général Leclerc pour enfin libérer notre Capitale Paris et terminer par la Libération de Strasbourg, et revenir certain seulement, une fois leur devoir de citoyen français accompli vers Le Telagh leur village natal.

Une fois sur le sol de l'aéroport de Marignane, il fallait nous rendre au Port de Marseille pour récupérer la voiture, au milieu des containers en ferrailles certains éventrés, valises , malles, matelas au milieu d'une foule triste en pleurs ,perdue , déracinée ,composée de jeunes enfants ,de bébés ,de grands-pères ,de grands-mères, de vieillards, d'handicapés ,au milieu de milliers de malles ,valises, pour ceux qui ont pu ramener quelques affaires .
Cette foule était composée et représentait toutes les nationalités ayant vécu en Algérie, Français, Espagnols, Italiens, Juifs, Musulmans, Harkis, Maltais, Siciliens, Sardaigne, Corse.
Des attentes interminables, de multiples démarches sur les quais à faire avant de prendre possession, pratiquement de notre seul bien de valeur que nous ayons pu ramener.
Personne, pas une âme chaleureuse pour vous accueillir à notre arrivée, au contraire nous avons été maudits ,insultés ,traités de sales Pieds Noirs, accusés par la suite de nous accaparer de leur travail ,leur logement ,leur fille ,nous étions tous parait-il de gros et riches colons , des colonisateurs .Tu parles…. !

On semble oublier que l'Algérie ,ou faut-il le dire et le redire c'était la France ,la population était également composée de Fonctionnaires ,d'Ouvriers ,de Postiers ,Cheminots ,Gaziers ,Enseignants ,de Médecins, Banquiers, Ingénieurs ,Policiers ,et Gendarmes et j'en passe ,tout simplement le reflet de toute Société.
Personne n'avait pensé à cette arrivée massive des Pieds Noirs quittant subitement l'Algérie, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran où de nombreux Européens furent assassinés, ne fit qu'accélérer l'exode de plus d'un million de personnes. Et bien sûr rien n'était prévu, les structures d'accueil ont été longues à se mettre en place volontairement ou pas par certain Maire paraît-il comme celui de Marseille Gaston Defferre qui voulait rejeter Tous les Pieds Noirs à la mer.
Dans sa déclaration dans Paris Presse le 22 juillet 1962, il aurait déclaré que Marseille avait 150 000 habitants de trop et aurait dit " Que les Pieds Noirs aillent se réadapter ailleurs ".
Faute de structures d'hébergement les premiers soirs avec beaucoup de difficultés nous n'avions pas d'autres alternatives ou solutions que d'aller dormir à l'hôtel, vers la Canebière et la gare St Charles où certain hôteliers
n'hésitent pas à pratiquer les prix forts en profitant de cet afflux de " Touristes " .

Une fois le véhicule récupéré, nous sommes partis à Perpignan, après un long séjour en pension familiale vers les cabanes de Fitou dans l'Aude, pour trouver enfin un logement et travail dans les Pyrénées Orientales devenues notre Terre d'accueil à Le Boulou précisément.



Au Boulou comme partout ailleurs, la chasse aux logements fut un vrai calvaire pour nos parents à la recherche d'un logement, car les municipalités ont du faire face à cet afflux d'arrivants non prévus de pieds noirs venant d'Algérie. Au début nous recherchions que des logements meublés car nous n'avions comme bagages que nos valises, mais combien de réticences à notre égard de la part des propriétaires de ces logements, nous ne pouvions amener aucune garantie de solvabilité. Souvent nos familles étaient composées de 4 ou 6 personnes avec enfants et grands parents ,nous étions obligés de mettre des matelas à même le sol, des lits de camp, combien de refus avons-nous essuyé avant de trouver un logement, car notre réputation infondée de colonisateurs n'a vraiment guère facilité les choses.

Une fois le logement trouvé, il fallait pour nos parents du travail, et là encore d'énormes difficultés à gagner la confiance du futur employeur, mais devant l'envie de travailler, et ce courage, ils ont vite conquis le cœur de celui ci.

Une chance au Boulou ce petit village de 3000 habitants à l'époque est un village frontalier à 8 kms de l'Espagne par le col du Perthus, où existait le centre de dédouanement où les déclarations et frais de douanes y étaient déposés  par les nombreux transitaires comme les maisons import export Pujol ,Guanter , Massines, Arras ,Lloveras etc, pour l'essentiel des marchandises fruits et légumes venant d'Espagne par camions " Pegasso " qui devaient passer également au contrôle sanitaire et une gare Sncf non de voyageurs mais de fret.
La majorité des marchandises de fruits et légumes étaient acheminés par camion à travers la France et toute l'Europe, mais une partie l'était par des wagons Sncf en partance pour l'Allemagne, Belgique etc .Ce transfert de marchandises du camions en wagons se faisait par des personnes comme nos parents qui cherchaient du travail, bien rémunérés à l'époque mais le travail était dur et pénible car il s'agissait de gros camions de gros tonnages 35 tonnes.
A l'image ,et en suivant l'exemple de nos parents que nous voulions aider, nous avions formé également une équipe de 4 copains, pendant les vacances scolaires  ou souvent le vendredi et samedi soir nous venions nous inscrire pour pouvoir décharger les camions où nous étions payés au tonnage ,plus de camions nous faisions et mieux nous étions rémunérés ,nous venions toucher notre pactole la semaine suivante ,enveloppe que nous remettions tous fiers à nos parents.
A ce propos, c'est en gare sncf du Boulou qu'il m'est arrivé de voir l'illustre Artiste Peintre Salvador Dali arrivant en calèche du village voisin espagnol Figueras où il a son Musée d'ailleurs, ou de sa maison familiale Cadaques, il faisait toujours des arrivées théâtrales tout le monde se précipitait pour le saluer, souvent vêtu de noir avec ses grosses bacchantes et toujours sa canne à la main et sa légendaire cape noire, il était toujours souriant et avait toujours un petit mot gentil pour tous .

Pendant les périodes de vacances nous étions plusieurs jeunes, filles et garçons entre 16 et 20 ans à vouloir travailler, et nous trouvions assez facilement du travail dans les usines de confitures à Elne, les usines de bouchons de liège, la cueillette de fruits pêches, cerises, abricots et bien-sur début septembre les vendanges.

Ah ! Oui j'oubliai, enfin pas vraiment, je ne vous ai pas parlé de " la Castagne " comme on dit chez nous, dans le bus scolaire qui nous menait tous les jours du Boulou au collège et lycée de Céret situé à 8 kms aux pieds des Albères. Et bien oui certains de nos amis catalans se réservaient les places du fond, autrement dit les places pour les grands, et évidemment ces places nous étaient interdites à nous les pieds noirs, chose que nous n'acceptions pas et qui se réglait et se terminait le plus souvent en pugilat.
Par la suite tout s'est bien passé, nous avions établis entre nous catalans et pieds noirs des règles bien précises et simples, les places seraient au premier venu. Par la suite nous étions devenus tous de très bons copains il est vrai que nous étions souvent ensemble, en classe, dans les activités sportives, tel le rugby, le football, relation de travail etc

En 1963 nous avons eu droit à un hiver vigoureux avec pas mal de neige dans le pays le plus ensoleillé de France, pratiquement aucun équipement n'est prévu et la région et le village sont vite paralysés faute de moyen ,coupure électricité, circulation impossible etc .
C'est cette année là l'idée venant de quelques parents pieds noirs et quelques catalans amateurs et amoureux de foot, la décision avait été prise de créer une équipe de football, la tache paraissait à certain impossible, n'oublions pas nous sommes dans le pays du Rugby non seulement à 15 avec son équipe phare l'USAP, et son équipe fanion le 13 CATALAN.

Etant à proximité de l'Espagne où les amoureux de foot suivaient de très près les équipes de Barcelone et du Real Madrid, nous avons pu assez facilement trouver les joueurs catalans et pieds noirs qui formeraient cette nouvelle équipe Le BS Boulou Sportif  qui verra le jour dans les années 1965 où le nouveau stade sera inauguré par la municipalité et les nouveaux dirigeants .
L'entente était parfaite au sein de l'équipe dont je faisais partie et  les dirigeants, nos spectateurs étaient derrière nous au stade et lors de chaque déplacement. Le Football a permis à beaucoup de nos jeunes de s'adonner à ce sport d'équipe inexistant dans la région, et nous avons vu fleurir plusieurs équipes de l'équipe première, l'équipe réserve, l'équipe des juniors, cadets, minimes qui ont su au cours des années prouver que leur classement au niveaux des différents championnats étaient mérités. Nos déplacements se faisaient dans tout le département où nous rencontrions les équipes des villages voisins comme Port-Vendres, Maureillas, le Perthus, Amélie les bains, Bages, Le Soler, Rivesaltes, Prades etc ..

Avec la bonne volonté de chacun nous avons appris à vivre ensemble et nôtre intégration s'est tellement bien faite que nous avons tous pris pour époux et épouses ,catalans ou catalanes, Pays où il fait bon y vivre ,même si j'ai du à nouveau m'expatrier en Région Parisienne 1970 pour suivre mon épouse qui avait obtenu un poste d'enseignante.



Avant de terminer mon histoire, je voudrais rendre Hommage à mes Parents, à tous les Parents Pieds Noirs, ou pas Pieds Noirs qui ont connu cette Tragédie Humaine, l'Exode de 1962.
Il faut leur rendre Hommage ils ont su avec courage et bravoure, redémarrer à zéro, sans jamais rechigner, pour rebâtir, reconstruire, sans oublier leur tâche principale nous élever, nous donner une éducation, un travail tout ça dans la dignité et la fierté avec peu de moyens le tout sans Haine ni Rancune et avec Amour...Nos Aïeux n'étaient-ils pas tous des Pionniers ?, rien ne les arrêtaient même les taches les plus ardues.
Un grand Merci à tous nos parents pour leur réussite, leur parfaite intégration en se fondant dans la masse le plus discrètement possible ,en oubliant même leur origine de peur d'être montré du doigt et traités de " Sales Pieds Noirs ".. aujourd'hui heureusement nous en rions encore.
Grâce à eux, à leur sens de l'Honneur, de Fierté de voir la réussite de tous leurs enfants, Un grand Merci à eux, pour ce que nous sommes devenus aujourd'hui.
Finalement avec le recul, certains finissent par penser que c'est une bonne chose d'avoir quitté notre Afrique, quel Avenir aurions nous eu là-bas, pour nous, pour nos enfants ?.

Subitement j'ouvre mes yeux, les larmes viennent naturellement et coulent tout doucement le long de mon visage, que je tente discrètement, et timidement d'effacer. 
Nous avons entre-temps j'en suis sûr, traversé, retraversé maintes et maintes fois la Mer Méditerranée, par avion, par bateaux en partance de Paris, Lyon, Marseille, Sete , Port-Vendres, pour arriver à Oran, Alger, Constantine ,Tlemcen, Saida.
Certain réellement, d'autre fictivement ou dans leur rêve, pour certain le désir d'y retourner reste très fort encore aujourd'hui, mais le souhait de conserver leur souvenir intact, l'emporte,
Mais jusqu'à quand….?.

Des Années, et des Années se sont écoulées depuis1962…
C'est un autre Monde ......de nouveaux Paysages, de nouveaux Horizons, de nouveaux Parfums, une autre Vie qui s'ouvre à nous.
Une autre Histoire qui commence  !! Qui recommence.

Faut-il Tourner la page  ... Regarder devant...., se Retourner ... Oublier,...se Taire …
Remuer le couteau dans la plaie qui pour certain est si profonde et dont la cicatrisation fait si mal.
.....se Souvenir.....Ecrire …Raconter …Transmettre…Ecouter… Comprendre … Pardonner … Oui Pardonner..?

Nos historiens mais que font-ils ?..Les Médias… La Presse …..Mais je ne peux leur en vouloir aujourd'hui. !
Ne nous sommes pas tus nous-mêmes, pendant quarante cinq ans ?
Heureusement maintenant, avec l'apport d'internet, nos Coeurs commencent Enfin.. à s'ouvrir.


Merci d'avoir pris le temps de me lire.

Ce soir j'ai posé ma plume, et laisser parler mon Cœur.

Pardon !!!!    Une petite larme….

Le 04.10.2008


En Hommage à tous ceux sans exception qui ont connu ce Drame, cette Tragédie Humaine,
L'Exode de l'Année 1962 en Algérie.

En Hommage à tous ceux qui n'ont pu rejoindre leur destination de départ.

Le 04.10.2008

Julio.

                 
             
Me Contacter
Jules.segura@gmail.com

Tel  +33  06 13 98 15 17                Fax  09 57 23 91 25



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J'ai repris partiellement le texte en créant une Vidéo ,que vous pourrez voir et écouter dans la
Rubrique du site " Mes Vidéos Algérie-France"  vidéo N° 13 déposée sur le serveur de FREE
elle est également déposée et visible sur Google , Youtube et Dailymotion.
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Jules Segura Le Telagh


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TRADUCTION DE LA PAGE

LECTEUR DE MUSIQUE

Bonjour un lecteur de musique à votre
disposition pour rendre plus agréable
la visite du site 290 Chansons.
Vous avez la possibilité de faire pause,
passer à la chanson suivante afin de
l'écouter avec les flèches  vers la droite .
Ou ne rien faire et les chansons défilent
les unes après les autres.







Crée Lauyan Toweb Segura Copyright © 2008.Tous droits réservés.                                                          Mise à Jour:mercredi 20 juin 2012