RECITS SOUVENIRS 4 LE TELAGH

Free counter and web stats

SOUVENIRS 29 LE TELAGH - Colette Teulet Garcia


EL  PATIO  DE  COLETTA     
10, rue de Saida… au TELAGH


Le jeudi matin j'étais réveillée de bonne heure : pas d' école, j'allais pouvoir profiter de la journée ! C'est le bruit du marteau sur l'enclume qui me sortait des bras de Morphée, en face de chez moi habitait Mr Aillaud……, avec son frère André ils réparaient les machines agricoles, Jean-Guy le fils était un ami, on s'échangeait les Mickeys et autres bandes dessinées. Dans ma rue vivaient toutes les personnes que j'aimaient : outre mes parents, mes soeurs, mon frère, il y avaient mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes cousins, mes cousines, d'une maison à l'autre on avait pas loin à aller ; quand je vois à la télé certains quartiers de Marseille où tout le monde connaît tout le monde et où tout le monde s'interpelle, rit ou pleure, où il arrive même qu'on s'invective, eh bien ça me rappelle la rue de SAÏDA, ma rue. Sur l'écran de mes souvenirs, il y aussi tous les acteurs qui ont fait vivre le quartier !  Vulcanisateur ! pas docteur, ni coiffeur, non ! vulcanisateur ! ça me plaisait ce mot, et en plus  Monsieur Talence….. qui exerçait ce métier, je n'avais que la rue à traverser pour le voir réparer et redonner une jeunesse aux vélos et aux motos. En parlant de vélos, JUAN-SIMON le peintre n'avait que ça pour se déplacer, je le revois passer devant la maison avec ses bidons de peinture et ses pinceaux, pendant son travail il chantait : " l'amour est un bouquet de viol…ettes… "et le pinceau montait et descendait au rythme de la chanson ! mon oncle Antoine le maçon, c'est en montant les murs qu'il chantonnait, j'allais quelquefois lui demander un peu de ciment et une truelle pour me faire une petite construction, il ne m'a jamais dit non et je l'en remercie, pour l'enfant que j'étais, sa patience et son écoute m'ont encouragée à entreprendre. Je ne peux pas parler d'Antoine sans parler de Carmen, ma tante, je ne pourrais pas vous dire les fois où j'allais lui rendre visite dans la journée. Je mangeais à sa table tout ce que je n'aimais pas chez moi, au grand désespoir de ma mère ! il faut dire que je partageais ce repas avec Helyette et Eve-Lyne et après on faisait la sieste où plutôt on se marrait comme des folles des histoires rocambolesques d'Eve. Juste en face vivait la Tia Concha, elle nous parlait souvent de Léon où elle habitait avant, que c'était une grande ville, je n'ai jamais su si c'était Lyon en France ou Léon en Espagne, elle était tellement contente et fière que je n'osais pas l'interrompre. Blanchette, ah ! Madame Cardi, elle avait une épicerie juste à l'angle du Boulevard, c'est elle qui m'a donné envie de faire du commerce. A l'époque, le café, le riz, les pâtes, l'huile, le vin, tout se vendait au détail :
  • Je voudrais un kilo de farine !
Blanchette prenait une feuille de papier Kraft qu'elle roulait en cornet et alors moi, je regardais ça avec curiosité et plaisir, la petite pelle en métal introduite dans un gros sac en jute, ressortait avec la belle farine blanche que l'épicière faisait glisser dans le cornet ;
  • 1 kilo allez bon poids !
d'un petit mouvement rapide  du poignet, en bonne commerçante Blanchette, faisait mine d'en mettre un peu plus. Pour le vin aussi c'était tout un cérémonial : le tonneau avec son robinet en bois, l'entonnoir, pas en plastique comme maintenant, non, en alu ! et après avoir donné sa bouteille, car les bouteilles étaient consignées donc on avait intérêt à les ramener, le robinet s'ouvrait et alors un beau liquide rubis coulait et il fallait fermer avant qu'il ne se répande parterre. Je mourrais d'envie de servir les clients. Et les boites de biscuits, petits beurre, feuilletés, gaufrettes, la aussi au détail, pour les emballer, c'était un papier plus fin, combien j'ai salivé devant les boites en fer, maman m'en achetait, mais pour la gourmande que j'étais, pas assez à mon goût. Il y avait aussi Charles le mari, un corse au bel accent, il avait toujours une blague à raconter ou alors il essayait de parler espagnol avec les clientes, sa femme s'amusait à lui faire dire (à son insu) des mots un peu crus, imaginez la tête de certaines mémés un jour où il a dit :
  • Qué bonico .ogno (au lieu de mogno) ! (quel beau chignon ! je ne traduis pas l'autre mot, je vous laisse imaginer)
en s'adressant à l'une d'entre elles. Il fallait toute la diplomatie de Blanchette, pour calmer l'offensée !
Dans la rue il y avait aussi l'épicerie de Fifine, Madame Cervantes, une amie à maman. Son mari Pierre était un peu sourd, il nous racontait :
  • Quand il y a une conversation et qu'on me demande , hein Perrico ? je dis : oui, oui, même si j'ai rien entendu de ce qui se dit. Il portait un béret noir qu'il ne quittait presque jamais, et son épouse le taquinait toujours :
  • tu peux pas t'enlever ce béret, bientôt tu vas coucher avec !
et bien là croyez-moi, un jour, d'un geste rageur, je l'ai vu s'arracher le couvre-chef, le diriger vers ses pieds, lever la jambe et hop d'un seul coup son pied droit a traversé le feutre noir, madame est restée sans voix et moi, je ne me suis pas attardée, ougna ! (fuyons). On dit souvent que les gens très calmes, et c'était le cas, encaissent, encaissent et ça finit par exploser la preuve ! en parlant de ça, me revient ce jour où, madame Cervantes avait préparé un bon pot au feu qu'elle faisait cuire dans une cocotte minute, c'était les premiers modèles sortis sur le marché, la soupape à commencer à tourner et, siffle que je te siffle, madame servait des clients au magasin elle n'a pas pensé à venir diminuer le feu du gaz, et siffle siffle, tout d'un coup une explosion, la cocotte s'est retrouvée au milieu de la cuisine et tout son contenu projeté sous forme de jet, par le petit trou d'ou s'échappait la vapeur. Le plafond a été tapissé de particules de viande, carottes, navets , c'était impressionnant !
Comment ne pas vous parler de Juanico  Parra,qui habitait chez Cervantes, je l'aimais beaucoup et il m'a toujours fait rire, même après notre exode (nous nous sommes retrouvés dans l'Est de la France, nous avions le même employeur Peugeot). En Algérie, les soirs d'été la coutume voulait qu'on prenne le frais. Tout le monde sortait sa chaise et on se rassemblait devant une maison. Nous partagions ce moment devant chez Juanico et Françoise. J'arrivais la première avec ma petite chaise et alors j'écoutais Jean racontait sa captivité en Allemagne dans les années 1940, il avait été envoyé dans une ferme pour aider aux travaux des champs, ce qui a été je suis sûre, une dure épreuve avec : le froid pour quelqu'un qui venait d'un pays chaud, l'éloignement, l'incertitude, eh bien lui nous en faisait un récit d'une drôlerie, raconté de façon "  Pagnolesque ", c'était mon Raimu d'un soir, et tous les soirs le récit changeait, ma soeur Isabelle attrapait des fous-rire que l'on entendait à l'autre bout de la rue, son épouse le regardait et souriait sachant, qu'il en rajoutait beaucoup, mais quel bonheur de l'écouter ! quand venait le moment d'aller se coucher, je le suppliai, racontez-moi encore, qu'est-ce qu'elle faisait la frauleïn ?
  • Demain, demain maintenant il faut aller dormir !
Vivement demain soir !
Juanico m'a raconté plus tard, que petit il a connu mon grand père maternel qui venait d'Andalousie avec toute une équipe d'hommes et des bourriquots espagnols (plus grands que l'âne), le soir quand ils rentraient des chantiers (ils travaillaient dans les carrières), ils croisaient Jean qui était enfant, ils le faisaient monter sur une bête et leur plaisir était de l'entendre chanter, il était déjà très gracieux. Il est maintenant dans un autre monde, mais je suis sûre que là-haut il fait rire même le Bon Dieu ! Joséphine sa fille l'a rejoint (trop jeune hélas) et il n'y a pas longtemps son épouse Françoise.
Je rassure Séraphin et Jean, j'ai toujours eu un grand respect pour leur père, si je parle de Juanico ou de Jean c'est pour les anciens qui l'ont connu, pour ma part il reste Monsieur Parra.
J'ai évoqué plus haut la famille Aillaud, c'était les seuls à une époque à avoir le téléphone dans le quartier, alors quand il y avait une urgence très aimablement Madame Aillaud, évitait à ma mère d'aller à la poste. C'était marrant de la voir tourner la petite manivelle pour avoir le standard, ensuite elle demandait :
  • le 12 Oran pour le 4 Télagh !
Quelquefois il fallait raccrocher et attendre que la standardiste nous rappelle ; on n' était pas encore au temps du Clic ! et des MMS
Madame Aillaud jouait de l'harmonium à l'église, et après la communion solennelle, avec Maryse, Clotilde, Michèle, Raymonde nous avons fait partie de la chorale. L'abbé Filliard a interrompu un jour la messe pour dire :
  • je demanderais à ces demoiselles de la chorale de bien vouloir arrêter de parler !
Celles et ceux qui se rappellent de notre curé savent, qu'il n'était pas toujours commode. La chorale c'était la messe du dimanche, mais aussi les mariages et après  nous étions invités à l'apéritif, que de bons souvenirs !
En évoquant le curé Filliard, il me souvient qu'un jour nous partions au catéchisme tout un petit groupe, juste avant le presbytère on rencontre Antoine Ségura (le mari à Odette Gomez) qui nous demande :
  • où vous allez ? ( il était gendarme auxiliaire donc en tenue)
  • ben on va au catéchisme !
  • mais il n'y a pas catéchisme aujourd'hui, monsieur le curé est mort !
nous sommes partis en courant sans chercher à comprendre, annoncer la nouvelle à la maison, certaines mamans se sont précipitées au presbytère, et là devinez qui leur a ouvert la porte ? Oui, oui le curé ! je ne vous dis pas la surprise !
Dans ma rue il y avait aussi Djillali l'aveugle, il avait une canne bizarre, autour du pommeau il avait des centaine de petits bouts de ficelle qu'il nouait et ça faisait comme un essaim d'abeille, pour les enfants c'était un peu mystérieux, mais il était très gentil Djillali, il nous reconnaissait au son de la voix :
  • toi ti Coulette la fille à Pépé !
il m'attrapait la main pour me remercier de lui avoir donné, ou un morceau de gâteau ou un bonbon. Un jour on ne l'a plus revu, et on a appris plus tard qu'il était mort et que dans son essaim il y avait une grosse somme d'argent, est-ce vrai ?
Mon frère André a travaillé jeune chez Monsieur Berger, notre voisin, qui était cordonnier -cellier. Je revois, la boule de suif où il passait le fil pour l'enduire de gras, l'alêne pour percer le cuir et aussi l'odeur que j'aime tant (plus tard j'ai vendu de la maroquinerie) ! Madame Berger était institutrice, les bûchettes, les découpages, c'était le cours préparatoire et l'entrée à la grande école !
Devant chez moi il y avait une fontaine, souvent je m'asseyais dessus et je regardais passer les gens. C'est ainsi qu'un jour assise sur la fontaine j'ai vu arriver un camion comme je n'en avais jamais vu. Les roues avaient une grosseur impressionnante, pour monter dans la cabine il y avait une échelle, c'était un camion qui partait dans le sud où il y avait du pétrole. Bien vite il y a eu un grand attroupement pour voir ce curieux engin qui a stationné pour qu'on puisse voir et faire des photos. Je vous passe les : poh ! poh ! poh !  purééé ! pu…. ! et autres commentaires autour du terrible engin !
Le vendredi jour du poisson nous arrivait tout droit de la ville, la pescatera ! elle chantait :
  • du poisson ! du poisson on !
  • regarde mes rougets, poze on dirait qu'ils veulent nous parler tellement ils sont frais, et la bonite elle est pas belle ma bonite ?
L'étal de poissons était à l'arrière de la camionnette sur des pains de glace.
Pauvre de moi, j'aime pas le poisson, il va falloir en manger ! je préfère les migas avec la côtelette espagnole (la sardine séchêe)
Il y avait aussi la venue du marchand d'oublis (une gaufrette en forme de tube).Pour signaler sa venue, il avait fabriqué un instrument avec une planche, une poignée vissée sur les 2 côtés, et il en jouait comme avec une castagnette, nous les gosses on comprenait vite le message !
Et Joachina, la marchande de légumes, elle se déplaçait avec une charrette que tirait un âne, en achetant les légumes on apprenait les nouvelles du village, certains personnes étaient habillés gratuitement pour toute l'année.

La rue se transformait parfois en théâtre ouvert, c'est ainsi qu'un indigène venait 1 ou 2 fois par an (on ne sait d'où) habillé comme un homme orchestre, des clochettes aux mains, aux pieds, à la taille, il dansait et chantait en échange de quelques pièces. Et le marchand de vaisselle un personnage ! il pratiquait le troc, on lui donnait des vêtements usagés ou des peaux de lapins et en échange les ménagères pouvaient choisir dans son vieux landau pour bébé, de la vaisselle. Un jour il faisait la démonstration d'assiettes incassables, il en lance une ça marche, elle ne se casse pas, la deuxième se brise en mille morceaux et alors là, avec un talent de bonimenteur il lance à l'assistance :
  • cille là y'avait pas d'produit ! bravo l'artiste.
Coiffeur à domicile, c'est un métier qui revient ! je me rappelle de Monsieur Ginès Castellon qui venait raser et couper les cheveux à mon grand-père Pédro-Andrès. On installait la chaise dans la cour, le coiffeur sortait tout son attirail et le travail pouvait commencer. Je tournais autour, surtout quand il rasait mon pépé avec le grand rasoir, j'avais peur qu'il le coupe, mais non, tout en parlant il avait le geste précis, il me promettait si j'étais sage de me donner la petite bouteille vide de la lotion dont il tapotait ensuite le visage de grand-père rasé de prés. J'attendais ça comme une récompense, pensez une petite bouteille qui sent bon ! allez donner ça aux enfants maintenant, ils vont vous rire au nez !
Le métier de matelassier ambulant par contre lui n'existe plus. La plupart des matelas étaient en laine, tous les 3 ou 4 ans, il fallait refaire le matelas, parce que la laine était trop tassée et qu'au centre il y avait un creux, et ensuite, pour laver la laine et changer la toile. Première étape, découdre le tissus pour en extraire la laine et laver celle-ci, ensuite étaler la laine sur des grandes nattes pour la faire sécher au soleil. Arrivaient ensuite, Manuel Contréras et sa mère pour refaire le matelas : Manuel commençait par taper la matière avec un bâton en bois et une baguette en fer, il avait le savoir faire, et que je te soulève d'un côté et que je te donne la " tréja " de l'autre, ensuite avec une espèce de brosse aux dents en métal arrive le moment de carder, c'est à dire démêler la laine. La confection du matelas se faisait tout à la main, pour coudre le tissus, la longueur des aiguilles m'impressionnaient, il y avait 2 modèles, le simple ou à bourrelets, là aussi madame Contréras et Manuel étaient des artisans, la touche finale, des brins de laine cousus un peu partout sur la surface recto et verso, pour former des creux et des bosses pour le plus grand confort des dormeurs. Les premières nuits sur le matelas neuf, on se serait cru sur des montagnes russes, après la laine se tassait et on redescendait d'un cran. Je ne peux pas évoquer la cour, sans parler de la " matanza " ; mon oncle Antoine Gonzales et ma tante Catherine venaient et là aussi c'était la fête. Je  ne voulais pas aller à l'école ce jour-là, on allait tuer le cochon, je ne voulais pas rater ça ! que nenni on m'expédiait, on ne voulait pas voir les  enfants tourner autour. A midi, quand je revenais le boudin était déjà prêt et les côtelettes attendaient d' être grillées dans la cheminée. Et les grattons , les tchitcharons, ma mère faisait une galette de tchitcharons et c'était un délice ! (j'en ai remangé du côté de Perpignan, un boulanger Pied-noir en faisait). La fabrication  de longanisses, blanquicos, pâtés etc durait 2 jours, mais quelle bonheur, l'odeur et surtout la chaleur de ces moments familiaux, sont encore présents lorsque je vous en parle. Mon cousin Jean-Jean m'appelait côtelettes, je n'appréciais pas trop ! mais bon, ça fait aussi partie de mes souvenirs. Quand il y a eu le couvre-feu, on ne pouvait plus prendre le frais dans la rue, alors on restait dans la cour, mon père arrosait pour faire un peu de fraîcheur, on disposait les chaises en cercle et là, c'est ma grand-mère Ysabel qui nous racontait des choses  extraordinaires. Lors de la pleine lune, elle me disait : regarde la lune, mais pas trop, parce que tu sais, regarde bien, que vois-tu ?
  • je voyais des formes, mais quoi ?
  • eh bien figure-toi qu'un meunier revenait avec son âne après avoir livré de la farine, et il s'est mis à fixer la lune, et d'un seul coup il a disparu, la lune l'a aspiré, alors tu le vois maintenant !
  • oh, oui mémé je le vois et l'âne aussi !
les soirs de pleines lunes je ne peux pas m'empêcher de regarder le meunier et son âne, je pense à ma grand-mère , comme elle nous captivait avec toutes ses histoires merveilleuses ; de nos jours les soirées contées sont à la mode, Mémé était en avance sur son temps. Elle savait tout faire, coudre, cuisiner, elle faisait son savon, je la revois un foulard très serré sur la tête, devant le chaudron fumant et elle tournait le mélange, après elle faisait les morceaux. Mon grand-père Pédro-Andrès n'y voyait plus très bien, il tressait de l'alfa pour en faire  de jolis paniers, des corbeilles, il s'occupait ! je lui portais quelquefois des cigarettes et il était content ! j'avais la chance de les avoir prés de moi, nous habitions au même endroit, des habitations séparées mais avec la cour commune, el patio de Coletta !
Nous étions toute une petite bande rue de Saïda, Yves Talence, Jean-Guy Aillaud, Richard Durand, Régine Durand, Maryse Campos, Helyette Baldéras, Jacqueline Charasse, Jean Gonzalez, Paule Cardi, des fois on s'amusait à sonner aux portes et vite on s'enfuyait, quand la porte s'ouvrait on attrapait le fou-rire, contents de nous. Il y a eu la période hula-hoop, qui n'avait pas son cerceau, et vas-y que je me déhanche ! quand on maîtrisait le mouvement, qu'est-ce qu'on était fiers. Puis vint la période scoubidous, " des pommes, des poires, et des scoubidous, bidou ah " le stock de fils électrique a été vite épuisé ! il y avait des artistes qui arrivaient à tresser les fils pour reproduire une guitare, un dromadaire,  enfin toutes sortes de gadgets. Nous avons même fabriqué, je ne sais pas qui en a été l'initiateur, des échasses : deux perches en bois, avec un petit carré cloué à mi-hauteur pour poser les pieds et nous voilà partis à grandes enjambées arpenter la rue en riant de notre trouvaille, certains plus prudents, ont accroché des ficelles à des boites de conserve et en on fait des " boites de 7 lieues "
A vous dirais-je mes amis, que c'est rue de Saïda, où j'ai eu " une déclaration ! " ! Un beau jour, ma copine Clotilde vient me voir devant chez moi et  me dit :
  • Voici de la part de ? (quelqu'un, il se reconnaîtra) il est amoureux de toi !
elle me donne une sucette en forme de poupée. Je ne savais plus quoi dire, je pensais d'abord à une blague :
  • je te dis qu'il te l'offre, parce qu'il t'aime !
Il venait d'avoir 9 ans et moi 8, aucun garçon ne m'avait encore offert quoique ce soit ! bien avant Jacques Brel, il avait compris que les fleurs c'est périssable et les bonbons c'est tellement bon ! surtout pour la gourmande que j'étais ! je suis restée muette, toute émotionnée ! j'ai pris le cadeau, le coeur rempli d'amour , je suis partie bien décidée à  garder le précieux gage,  dans un joli coffret entouré d' un petit noeud rose, mais hélas, 1 heure après, la friandise a été sacrifiée sur l'autel de ma trop grande gourmandise ! Et la  romance ? me direz-vous :
  • elle a vécu ce que durent les roses ! notre timidité et notre jeune âge, a eu raison de cette belle histoire, d'amour débutant !


Virazeil.

Colette GARCIA-TEULET 
le 18 .02.2008

Pour toute ma famille et tous mes amis télaghiens.


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

LE_LIVRE_DU_TELAGH_2008-Souvenirs.doc

SOUVENIRS 30 LE TELAGH - Colette Teulet Garcia


MON  VILLAGE  LE  TELAGH


A la vitesse où le temps passe, rien n'efface l'essentiel ! (Francis Cabrel)

Certains se rappellent leur premier noël, d'autres leur première voiture, d'autres encore leur premier amour, eh bien moi, mon premier souvenir est mon premier jour d'école !

Je suis la petite dernière d'une famille de quatre enfants, André mon frère avec qui j'ai quinze ans d'écart, Edouarde treize ans, Isabelle onze ans, vous comprendrez que j'étais la petite gâtée et pour mes aînés la petite merveille du monde. Vers l'âge de 3 ans on m'a inscrite à l'école maternelle, ma soeur Isabelle était (comme on dit maintenant) auxiliaire scolaire chez les petits, elle aidait la maîtresse, à l'époque Madame Latorre. La veille de la rentrée, toutes mes affaires neuves étaient préparées, tablier, souliers, vêtements, cartable etc…Mon père très fier de son petit génie, je savais compter, écrire mon nom, me fait les dernières recommandations et il a ces paroles que l'on dit quelquefois aux petits enfants, sans penser qu'ils puissent les prendre au sérieux :
  • alors tu seras bien sage, et surtout si la maîtresse est méchante avec toi tu me le dis et elle aura à faire à moi !
C'était des paroles surtout pour me rassurer, pour m'envoyer le message que si j'allais à l'école ce n'était pas parce qu'on ne m'aimait plus, qu'on m'écartait en quelque sorte du giron familial ! non rien de tout ça, c'était pour m'instruire.
Au petit matin, après un bon petit déjeuner, toute mignonne, me voilà partie avec ma soeur, en route pour la grande découverte de la culture et de l'instruction. Après quelques pleurs dans le préau, nous voilà tous dans la salle de classe, certains sanglotent encore dans leur coin, moi j'ai ma soeur pas loin je suis un peu plus rassurée ; à un moment donné je vois Isabelle murmurer à l'oreille de l'institutrice, celle-ci jette un regard vers moi et me demande de venir :
  • Alors Colette, tu es contente, c'est bien l'école ?
Moi toute innocente :
  • Oui, mais mon papa, il a dit que si tu m'embêtes, tu auras à faire à….
Je n'ai pas eu le temps de finir ma phrase, une volée de gifles, des pincements d'oreilles, les cheveux tirés et pour finir, elle a ordonné à ma soeur de m'enfermer dans le " Père cafard " la terreur des petits écoliers, en fait c'était la cave où on mettait le bois de chauffage. Voilà où j'ai passé ma première demi journée d'école, à sangloter et à me dire que j'étais victime d'une grande injustice, je le pense encore ! Pour un essai ce fût un coup de maître je dirai même mieux "pour un essai ce furent : les coups de la maîtresse ".
Le retour à la maison a été une délivrance pour moi, mais pour ma soeur qui avait eu la maladresse de demander à Madame Latorre de me questionner, les foudres de toute la famille lui sont tombées dessus ! la pauvre elle était plus malheureuse encore que moi, d'ailleurs elle aussi s'en souvient. En tout cas la méthode a été radicale, je n'ai plus été au " Père Cafard " j'étais sage comme une image. Mon père n'a rien reproché à la maîtresse, à l'époque, les parents ne soutenaient pas les enfants, pourtant là  je m'interroge ? toujours est-il que je n'ai pas oublié mon premier jour de classe à l'école maternelle du Télagh.
Puisque je vous parle du " père cafard ", je ne peux pas ne pas évoquer le drame  survenu avant la rentrée des classes de 1956 (je crois) ! les militaires avaient stationné à l'école pendant les grandes vacances. Des munitions avaient été stockées dans le local à bois. Après leur départ, André Thevenot et le regretté Marcel Carmona jouaient dans la cour de l'école, qui a trouvé l'obus ? je ne sais pas, toujours est-il qu'il y a eu une explosion, Marcel a été tué sur le coup, André a été blessé, dans le village ça a été la consternation, je me rappelle encore de cette pauvre madame Carmona inconsolable et de la grande foule qui a accompagné Marcel pour son dernier voyage. La rentrée des classes a été un peu retardée, mais nous les enfants nous n'avons pas eu un psy pour nous prendre en charge, pourtant ça a été un vrai traumatisme pour nous, mais à l'époque ce n'était pas encore en vogue !

Pour aller à l'école je passais tous les jours devant la place où il y avait des bals l'été, avec des beaux orchestre. Je me rappelle aussi de l'orchestre Garcia, je n'ai pas grand mal à m'en souvenir puisque c'est mon nom de jeune fille ; à l'occasion de ces fêtes de village des concours de danse était organisés pour les enfants, auxquels je participais. J'ai souvent gagné le concours avec pour cavalier Raymond Alonzo, nous avons même gagné le premier prix en dansant la " Raspa " Pour les jeunes qui ne connaissent pas cette danse, originaire d' Amérique latine peut-être, ça consiste à faire un pas en avant jambe droite, la gauche derrière et revenir jambe gauche devant jambe droite derrière ceci en traînant les pieds, Raspa voulant dire râpe en espagnol, au refrain : bras dessus bras dessous on tourne et hop on change de bras. Ce n'était pas de la " tecktonik " mais c'était très amusant et entraînant. Nous avons ainsi fait plusieurs concours avec le regretté Raymond puis, il est parti au lycée à Sidi Bel Abbès ( il avait 3 ou 4 ans de plus que moi), il avait d'autres copines et l'une d'elle Paule Loubiere de Rochambeau qui venait faire le boulevard dans notre village. J'étais un peu jalouse, une de mes cousines en parlant de Paule, la surnommait Poilla, c'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde, un dimanche je croise sur le boulevard Raymond avec des copains, copines dont Paule, moi par dépit je lance :
  • bonjour Poilla !
Raymond viens vers moi et me dit :
  • si tu l'appelles encore comme ça, je ne ferai pas le concours de danse avec toi !
Très sure de moi j'insiste :
  • au revoir Poilla !
Si Paule lit ces quelques souvenirs, je lui demande d'excuser la petite fille stupide que j'étais.
Raymond a tenu parole, au concours suivant, ma soeur l'a supplié, j'ai pleuré, il n'y a eu rien à faire, j'ai dansé avec un cavalier qui venait de Tirman (un petit fils de Madame Louis Garland) nous avons perdu mais, heureusement Raymond a aussi perdu, ouf !
L'oncle de Raymond, Antoine Alonzo, tenait une boulangerie-pâtisserie, il m'arrivait d'aller avec ma soeur acheter le pain ou des gâteaux. Antoine était très moqueur ! quelquefois ma soeur Isabelle roulait ses cheveux dans des papillotes en tissus, pour avoir des frisettes, elle dormait avec toute la nuit, résultat elle se retrouvait frisée comme un mouton ; un jour, on entre dans la boulangerie, Antoine regarde ma soeur et d'un air très ironique lui dit :
  • Où tu vas ma fille ? quand " tiarives " on dirait que tu t'en vas !
Elle a pris  le pain sans répondre et on n'a pas mis  longtemps pour parcourir la distance qui nous séparait de la maison tellement elle était vexée. Le père à Antoine, Manuel, grand père de Raymond et Manou, était un ami à papa,  mon père bien plus jeune, avait été  chauffeur dans son entreprise et c'est monsieur Alonzo qui lui avait permis d'acheter son premier camion, c'était un homme d'une grande gentillesse c'était comme un grand-oncle pour moi, petite dés-que je le voyais j'allais l'embrasser, s'il était devant la boulangerie il me disait :
  • va choisir un gâteau !
j'hésitais, parce que ma mère me disait toujours, si on t'offre quelque chose il faut dire : non merci ! ce n'est pas poli d'accepter, on va dire que tu es une mal élevée !
Mais la gourmandise l'emportait sur les bonnes manières, j'allais choisir une madeleine, Mum mmmmmmmmmmm ma madeleine de chez Alonzo, comme elle était bonne ! et on voulait que je refuse, vous vous rendez compte ? je ne pourrais pas vous en parler aujourd'hui, merci Monsieur Alonzo.
En parlant de son père et du mien, Antoine disait :
  • Quelle paire de pères !
Je vous ai parlé de l'école, de la danse, il y avait aussi le théâtre ! au village il y avait les dames de la ligue Catholique, qui s'impliquaient dans la vie de l'église. Madame Cavé, madame Aillaud, Madame Bougeon Madame Fhillol, madame Cambon (la maman à Claude) ;elles nous faisaient jouer des petites scènes, danser dans des petits ballets, pour la kermesse. Madame Fhillol (l'épouse du receveur des impôts) nous faisait répéter chez elle, au son du piano. La représentation se faisait au marché couvert qui servait de salle des fêtes quand il faisait froid. Ma soeur Edouarde qui est couturière, me faisait de jolis costumes, ainsi j'ai été : lapin, petite maison rose, alsacienne avec la coiffe en forme de gros papillon noir, Michel Ramon était mon alsacien, il paraît que j'étais douée, madame Fhillol  avait conseillé à maman de m'inscrire au conservatoire, pensez ! une fille théâtreuse, quel scandale ! tant pis. maintenant c'est moi qui m'occupe d'un atelier théâtre enfants et adultes, je crois en souvenir de ces dames. Merci à elles, qui se sont consacrées aux enfants et aux jeunes du Télagh.
Au marché couvert il y avait aussi des bals, les jeunes filles étaient accompagnées de leur mère, pas question de sortir seules. Dés que la musique commençait, vite les jeunes-hommes allaient inviter une cavalière il arrivait que celle-ci refuse, ça c'était un affront pour l'éconduit !
Un après-midi mes soeurs étaient assises avec maman, commence la musique et voilà qu'Edouarde voit se diriger vers elle un garçon qu'elle avait surnommé " cabeza trueno "  (traduction intégrale : tête de tonnerre ! pourquoi ? je ne sais pas ! je n'ai jamais vu la tête d'un tonnerre ! enfin) ;elle regarde ses chaussures pour ne pas croiser le regard de l'intrus, quand soudain elle entend :
  • vous dansez mademoiselle ?
Elle le regarde et là il s'est ramassé une " calabaza " autrement dit elle a dit non ;le pauvre est allé s'asseoir humilié. Un autre cavalier vient inviter ma soeur, comme il lui plaisait elle se lève pour aller danser, tout d'un coup arrive la mère de l'offensé qui prend le bras d'Edouarde et lui dit :
  • tu n'as pas voulu danser avec mon fils, eh bien tu  ne danseras pas !
ma mère se lève à son tour :
  • Depuis quand tu décides si ma fille doit danser ou pas ?
les danseurs en ont profité pour partir sur la piste, et les deux mères ont vite oublié l'incident.
Dans le village tout le monde se voyait affublé d'un surnom ! ainsi Santiago du Chili, c'était un jeune algérien qui était commissionnaire, ma soeur Isabelle travaillait à la maison du colon (la banque Crédit Agricole) et souvent il faisait les courses pour les employés, le pauvre il avait eu de l'infection aux yeux ce qui faisait dire à ces demoiselles de la banque :
  • il a les yeux en boutonnières passepoilées !
Pata rana ! ( pattes de grenouille), il habitait en face du café des parents à Jules Ségura, (je crois), il marchait les jambes écartées, d'où la comparaison avec le batracien. Pour tout vêtement il portait une abaya (genre de boubou) et rien dessous, il était souvent assis devant chez lui et quand les jeunes filles passaient, il écartait bien les cuisses pour montrer ses attributs, et il leur disait des mots grossiers.
La Jefa (prononcée ré : la chef) son époux était chef de chantier ; très gentille madame Llépes elle avait beaucoup d'humour, elle venait dans l'Est chez sa fille Dolorès qui habitait juste à côté de chez moi. Elle m'a raconté, qu'une de ses voisines espagnole, voulait absolument parler français, elle appelait son fils Rémoundi, un jour elle l'envoie chercher de l'herbe pour les lapins, et voilà ce que ça a donné :
  • Rémoundi, Rémoundi, prends le capacette (panier) et va chercher de la llerbesse (l'herbe) pour le bouricon (âne)del pompillone ! (de papa)
Si de là haut elle nous voit, je l'embrasse !
Tio Rojo (tillo ) l'homme roux, mon grand père maternel que je n'ai pas connu, mais dont j'ai entendu parler.
La tia bouriquera ( la dame qui a ou qui a eu des ânes)
Bientôt nous allons voter pour élire nos maires ; qui n'a pas vécu les élections municipales au Télagh, n'a rien vu !
Mon père a été fâché longtemps avec son jeune frère Henri, à cause des élections. Mon père était sur la liste de Monsieur Cambon, le maire sortant et mon oncle travaillait chez Pierre Bernabeu qui briguait le fauteuil , donc il le soutenait. Les poètes s'en sont donnés à cœur joie, chaque jour était publié un pamphlet  ! il y a même eu des crêpages de chignons :

Et Valérie au volant de sa vedette
Descend, pour assommer Odette !

Je cite ces vers de mémoire tant ils m'avaient marqué.

Le jour dit, les gens allaient voter et vite ils rentraient chez eux. Heureusement ça ne durait pas, et souvent ça se terminait par une paëlla géante que l'équipe élue offrait à ses électeurs. En ce qui concerne mon père et son frère, un jour mon père était sur le bord d'une route, une roue de son camion avait éclaté, et là qui arrive et vient le dépanner, Henri son frère qui a toujours eu une très grande affection pour son aîné de vingt ans qui l'a élevé, bien entendu ils se sont réconciliés, et mon père qui était de mauvaise foi nous disait :
  • mais moi, je n'ai jamais été fâché avec mon petit frère !

Quelques jours avant Pâques, beaucoup de ménagères préparaient des " mounas " (brioches pieds-noirs), il y en avait toujours une petite pour les enfants, avec en son milieu un oeuf. Comme le nombre de brioches était important, c'est au four du boulanger que l'on allait les faire cuire, il fallait prendre rendez-vous pour avoir son tour ; à la maison elles étaient stockées dans un endroit frais et recouvertes d'un linge bien blanc, pour ne pas que les mouches aillent dessus, on se méfiait de la " moscarda " (la grosse mouche verte qui pond) On avait droit de se régaler avec la mouna, le dimanche de Pâques, pas avant, carême oblige !
Avant Pâques il y avait le dimanche des rameaux et nous les enfants notre rameau était décoré de friandises, petits sujets en sucre et en chocolat. Je devais avoir six ans, j'avais étrenné une belle robe blanche que ma soeur m'avait fait et un joli boléro en angora, j'arrive à la messe avec mon rameau et toutes ces tentations suspendues, on m'avait bien recommandé de ne pas en manger pendant la messe, j'avais beau essayer de suivre la messe, mais pensez-vous je les avais là sous mon nez, ils me narguaient,ces poules, ces cloches, ces lapins, ces œufs,  n'y tenant plus je me saisis d'une poule en sucre à la crête rouge et aux yeux bleus, c'était bon ! tout d'un coup ma mère m'a regardée, j'ai compris à son regard que j'étais marquée du sceau de la honte, ma bouche était bleue et rouge, j'ai voulu m'essuyer c'était pire et en plus le joli boléro et la robe ont été tachés, ma punition c'est que quand la messe a été terminée tout le monde a rigolé, j'aurai voulu m'enfuir, mais tu parles j'avais toujours la branche d'olivier avec toute la basse-cour pendue, va courir avec ça !
Le lundi de Pâques, nous partions manger le riz à Séfioun (direction de Saïda), ou au trou du curé sur la route de Bossuet. Une nappe à même le sol, la gargoulette enveloppée d'un linge humide au milieu, on s'asseyait par terre et c'était le bonheur ! ça commençait pour les grands par l'anisette Gras avec la quémia (on dit maintenant les amuses-bouches) les fèves, les  pois-chiches grillés, les olives noires à l'eau Crespo, les variantes (petits légumes au vinaigre) nous les enfants on avait droit au sirop ou au coco (dans un litre d'eau on mettait un paquet de poudre de coco, ça faisait une boisson jaune au goût de réglisse) il y avait aussi l'anthésite. Pendant ce temps dans la poêle le bouillon safrané et tous les bons ingrédients mijotaient en attendant le riz qui ne serait mis qu'au dernier moment, il vaut mieux attendre pour le riz parce qu'après il se transforme en " gatchas " (pâte trop cuite). En entrée : salade juive, oh ce goût de poivrons et de tomates grillés ! un délice ;et la reine de la fête la grosse poêle de aroz ! esta de olé (elle est extra) même les oiseaux ils attendaient avec impatience leur part ! la salade, le fromage, vous vous rappelez le camembert avec une fleur en plastique dedans ? on faisait après des bouquets ,(je suis sure que des collectionneurs ont encore ça) et le dessert avec la mouna on goûtait, on comparait, celle là est parfumée à l'anis, celle là au citron et hop un petit coup de mousseux ou de thé à la menthe pour faire glisser. Les jeunes gens un peu gais s'amusaient parfois à frotter le fond de la poêle et ensuite ils barbouillaient celle qu'ils pouvaient surprendre, c'était des poursuites avec des cris et des rires, nous les enfants on riait quand la victime revenait le visage tout noir, ou bien c'était avec de la farine  et là, la demoiselle  avait pâli d'un seul coup ; les anciens à l'écart faisaient la sieste le visage masqué par un chapeau ou un mouchoir ! c'était le bon temps d'avant, le temps d'avant les évènements !
Pour préparer Noël, dans toutes les maisons quelques jours avant c'était l'effervescence ! le gâteau traditionnel avec la bûche : el mantecao ! (pâte sablée saupoudrée de cannelle) la championne du mantécao c'est ma tante Béatriz Lazar ! elle nous faisait des minis  au citron, à l'orange, ils étaient présentés dans des petits moules plissés en papier, c'était beau et bon !
Vous vous rappelez  la bûche maison, les oreillettes, le turron de Jijona, les pralines, les chocolats, les fondants, aie aie aie les dents !
Le père noël on attendait ça avec impatience, oh ces matins de noël quand on se levait et qu'on se précipitait  pour découvrir tous les cadeaux au pied du sapin ! nous n' en avions pas autant que les enfants maintenant, mais c'était la joie quand enfin on avait le jouet désiré. C'est mon cousin Jean-Jean encore lui qui un matin de noël a mis fin à cette belle légende du père noël :
  • le père noël n'existe pas, c'est les parents qui achètent les jouets !
avec ma cousine Helyette on a pleuré, pleuré pensant que jamais plus nous n'aurions de cadeaux. Il faut toujours croire au père noël !
Le jour de l'an, les enfants nous allions souhaiter bonne année aux voisins, c'était comme Halloween bien  avant l'heure, sauf qu'on n' était pas déguisés et que nous ne jetions pas des sorts si on ne nous donnait rien ; des chocolats par ci une petite pièce par là, on revenait contents comme tout à la maison.

Maryse, Clotilde, Yves, Marcel, Raymonde sommes devenus des ados, c'était pas encore le temps des yé-yé mais déjà Dalida chantait Les enfants du Pirée, Léo Ferré Jolie Môme,  Paul Anka Diana, les Platters Only you , le rock and roll venait de faire son apparition et il était " around the clock "avec Bill Haley. Un après midi, j'allais à la piscine Campos (route d'Ain Tindamine) j'avais le transistor emprunté à mon oncle Juan le frère à ma mère, je rencontre André Castellon qui allait se baigner aussi, nous avons fait le chemin ensemble et nous avons entendu cette chanson " jolie môme " la voix de Léo ferret et le texte, nous avons trouvé ça " extra ". Dédé est plus âgé que moi, cette année là, pour se faire de l'argent il donnait des cours de vacances et, justement j'allais chez lui travailler les maths ; je portais une chevalière au doigt, un jour il me demande, tu peux me la prêter, moi très gentiment je lui passe la bague, quelque temps après il me la rend, nous étions un groupe dont Marcel Encinas, celui-ci me dit tu peux me la prêter, je ne pouvais pas refuser alors que j'avais dit oui à Dédé ! et en plus c'était vraiment sans malice aucune, ma mère l'a appris par une chéqueme (rapporteuse) je me suis faite incendier, elle a ensuite été voir la mère de Marcel, dix minutes après  je te vois arriver devant la maison la délégation, ma mère, madame Encinas, Marcel rouge de confusion ; on me fait venir et là j'entends :
  • rends lui sa chevalière, que mon fils c'est pas un voleur !
  • mais je lui ai prêté !
  • toi, tais-toi
Il m'a rendu la bague, sans un mot, nous étions tous les deux honteux, et dépassés par cette histoire. ça ne nous a pas empêché par la suite d'être copains.

C'est Yves Talence qui a fait la première surprise-party, on dit maintenant une " boum ". Il avait invité deux copains du lycée de Sidi Bel Abbes et, je me rappelle de Roland Butteau, il avait souvent cette réflexion : Agua ! et moi je lui répondais : vino ! et on rigolait avec l'insouciance de la jeunesse. Il y a eu d'autres " boum " et je pense à celles qui ont eu lieu dans la salle de classe maternelle, la directrice nous la prêtait, je venais danser à l'insu de mes parents qui n'auraient pas compris que j'aille sans chaperon. Il n'y avait pas d'alcool, ni tabac et ça ne nous empêchait pas de nous amuser et de rigoler. La mode était aux jupes gonflantes, pour qu'elles soient bien bouffantes on mettait un  jupon en crin de nylon (ça grattait) et le vêtement était  amidonné avec de la farine de lin et surtout fin du fin, il fallait repasser un peu humide ! pour danser ça allait, mais pour s'asseoir c'était pas très pratique.
Yves, Gérald Constant, et quelques autres ont monté un orchestre, ils se sont produits au café Munoz qu'avait repris Joseph Ortega, la salle était à l'étage (si j'ai bonne mémoire) il y avait beaucoup de monde, les militaires venaient au bal, beaucoup de jeunes filles du Télagh ont trouvé l'âme soeur grâce aux bals.
Je ne peux pas parler des bars du Télagh sans évoquer " la tournée des grands ducs " ! cela consistait à faire en une soirée, la tournée de tous les établissements du village. Ce n'est pas offenser la mémoire de mon père que de dire qu'il a fait partie de ces " ducs ", monsieur Espinosa, monsieur Edmond Garcia, et le musicien du groupe, monsieur TCHOUMINO. Point de départ café de madame Perret, suivaient , Ramon Bernabeu, Munoz-Ortéga, Bamy, Segura, Campos, et Bucher. Papa m'a raconté, qu'à l'issue d'une de ces tournées des " grands ducs " Tchoumino les invite à souper chez lui, ils arrivent chez leur hôte, sur sa table de la ferraille partout, il la pousse un peu, il  les fait asseoir, il prend son accordéon et là il commence à jouer " tira pépé, tira juan " et ça dure, les estomacs excités par la " majia " (anisette) criaient famine, alors l'un d'entre eux ose demander :
  • on mangerait pas maintenant !
et tchoumino de répondre :
  • ça vous suffit pas ma musique ! poh joël (morbleu)
Et tout le monde de regagner son doux foyer.

Chez madame Perret, il arrivait que " les ducs " commandent l'anisette comme on commande du tissus.
  • Gilberte un mètre d'anisette !
un certains nombre de verres étaient servis sur cette longueur désirée et ces messieurs, avaient tout le temps de parler à leur guise, le verre à portée de main, sans avoir à refaire servir la tournée.
Chez madame Perret il y avait aussi un curieux personnage répondant au nom de HAMDI. Il buvait en solitaire au point de tituber quand il repartait chez lui, il avait une méthode personnelle pour franchir la porte : il arrivait péniblement en face de la porte, il se mettait au garde à vous, il prenait son élan et hop il se retrouvait à l'extérieur, eh bien là s'il vous plaît, il se retournait vers l'assistance, et avec un salut militaire il s'exclamait :
  • RAMDI ! tojors plous fort !

Les dimanches à partir de 17 heures tout le monde se mettait sur son 31 pour pratiquer " le boulevard " ! ça consistait à descendre et monter la rue principale sur une certaine distance en l'occurrence, de la gendarmerie jusqu'au café l'Escale (chez Séraphin et Hortense Ségura). Chemin faisant les langues allaient bon train :
  • anlle, t'yas vu celle là comme elle est maquillée ? on dirait un carnaval !
  • et celui-là le pauvre, il a sorti le pantalon de sa première communion !
et je ne parle pas des mémés assises devant leur porte, qui plissaient les yeux et avançaient la tête pour mieux voir et pouvoir critiquer. Ça faisait partie du folklore et ce n'était jamais méchant. On faisait une petite pause, en s'asseyant sur la murette de la place parce que si on était rentrés s'asseoir sur les bancs, on aurait tout loupé ! les terrasses de café étaient pleines, les glaces étaient bonnes, tranches napolitaines et autres cornets à la pistache et moi gourmande devant l'éternel, je dois au mélange glaces et caramels Kréma, une terrible indigestion (on dirait maintenant une gastro) qui m'a guérie pour longtemps de ces deux sucreries.
Les sucreries je les achetais le plus souvent chez Sirventé, je disais qu'on m'en excuse  " la grosse Munoz ". Les gros chewing-gum Globo  étaient quelquefois gagnants alors, on en avait un autre, on te faisait de ces bulles que des fois quand elles éclataient  tu en avais plein la figure, le pire c'est quand on s'endormait avec et qu'au petit matin on se réveillait les cheveux tout collés ; il y avait les rouleaux de réglisse avec le petit pois de couleur au milieu, les petits caramels à 1ct de franc, les sucettes au lait, les coquillages à sucer, les gros caramels pâtissier, les rochers Suchard, bref si on me donnait des sous j'avais vite fait de les investir !
A côté de la marchande de bonbons, il y avait la librairie Bernabeu, les parents à mon amie Eliette, c'est Raymonde, sa soeur, qui servait, j'allais m'acheter des mickeys, pipo, double rhum, les pieds nickelés, etc  une fois lus on  les échangeait avec les voisins ; un peu plus tard j'ai commencé à m'intéresser à Jour de France, on voyait les vedettes et les gens du grand monde, le mariage de Rainier et Grâce de Monaco, la naissance de Caroline, les premières photos du beau Johnny. Au café Ortega il y avait un scopiphone, et on voyait Johnny se déhancher en chantant " Laisse les filles "
Elle était pas belle la vie, en Algérie ?


VIRAZEIL,  le 21.02.2008
Pour ma famille, mes amis Télaghiens, et tous les invités du site à JULIO

COLETTE GARCIA-TEULET


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

MON VILLAGE LE TELAGH

SOUVENIRS 31 LE TELAGH - Colette Teulet Garcia


RETROUVAILLES D' YSABEL et COLETTE.


jeudi 19 avril 2007.


Je vous faire partager les moments forts, d'émotion, d'amitié, de joie, de rires qui ont marqué cette journée. 45 ans après avoir quitté le Télagh, je vais revoir Ysabel Contréras mon amie, qui me fait l'immense plaisir de venir passer la journée à la maison. Dominique son compagnon l'accompagne, ils ont effectué un grand périple avant de faire un saut dans mon coin de campagne Lot et Garonnaise : Ils reviennent d'un voyage en Algérie !
Dés qu' Ysavel est descendue de la voiture, j'ai retrouvé ma belle gitane comme si je l'avais quittée hier, vous remarquerez qu'à la place du " b "de son prénom instinctivement j'ai mis un " v " je ne corrigerai pas, parce que ça démontre s'il en était besoin, combien nos racines sont solides, l'accent revient, les souvenirs aussi ! et il y a les nouvelles, pensez si je lui pose des questions : alors, comment c'est là bas ? qui tu as vu ? et les maisons ?
L'accueil a été très chaleureux, il y a eu des larmes  de l'émotion de la joie, pensez ! revoir l'école, avec les mêmes bureaux où certains ont gravé leur nom, et madame Lassort entourée d'anciens élèves. Le directeur les a accueillis avec beaucoup de gentillesse, il leur a même offert un petit encrier où tant de petits François et Mohamed ont trempé leur plume Sergent Major pour faire des " pleins et déliés ", quel joli symbole d'amitié !
Beaucoup d'émotion quand les propriétaires actuels ont ouvert leur porte, pour que nos amis puisse revoir l'endroit si cher à tout être humain : La Maison ! Jean Pierre s'est vu offrir un cadre qui appartenait à ses parents !
Ensuite le cimetière et nos chers disparus, pour eux, il n'y aura pas eu d'exil ! ils ont dû être contents au bout de tant de temps d'avoir 25 visiteurs.
Zegla, Rochambeau, Bossuet, Bedeau, Sidi-Bel-Abbès, Oran, Santa-Cruz, un retour aux sources plein de nostalgie, de plaisir mais aussi de tristesse de voir, que certains lieux ne sont pas entretenus, l' Eglise du Télagh par exemple, délabrée, que certains aimerait bien qu'elle devienne au moins école coranique, pour qu'à nouveau cet endroit redevienne " vivant ".
Ce que je ressens après avoir écouté le récit de ce premier voyage en Algérie, c'est qu'il ne faudrait pas grand chose pour que de nouveau se crée des liens d'amitié et de partage avec ceux que moi j'appelle " nos compatriotes " ne sommes nous pas nés sur la même terre ? et combien nous l'aimons encore notre belle Algérie ! pas grand chose ? qu'il est difficile à trouver ce " pas grand chose ".
Mais je vous rassure, il existe des 2 côtés des personnes de bonne volonté et de gentillesse, qui oeuvrent pour que tout se passe bien, je leur tire mon chapeau, je les embrasse et je leur dis " MERCI , CHOKRANE "( pardonnez l'orthographe)
La journée m'a semblée bien courte, il faut déjà se quitter, Ysavel et Dominique ont encore des parents à visiter avant de s'envoler samedi pour Nouméa. Merci à eux, j'espère les revoir bientôt, je leur souhaite un bon voyage de retour, et à vous tous mes amis, je vous donne rendez-vous à Santa-Cruz de Nimes à très bientôt.
Grosses bises.

Colette Teulet née Garcia.


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

le 27.06.2008

RETROUVAILLES YSABEL COLETTE

SOUVENIRS 32 LE TELAGH - Jules Segura


NOTRE DEPART D' ALGERIE UN ETE 1962.    VOIR  LA  VIDEO
                                                                                   
Après tant d'Années de Silence.
Envie de Raconter à qui, pour qui ……..à nos Enfants, Petits Enfants,
ou peut-être tout simplement à moi-même!.

Non je vous dis que Non, Non je n'ai pas de bête, pas de Chien, et n'en aurai jamais
plus...!

Depuis l'Algérie Le Telagh mon village natal où nous avons été obligés de tout abandonner, même mon chien que nous avions baptisé Tarzan, laissé sur le trottoir devant le bar, il hurlait à la mort pendant nos préparatifs de départ dans la nuit de juillet 1962.
Il nous a suivi un très long moment, courant derrière la voiture à perdre haleine dans la descente en bas du village qui menait à Sidi Bel Abbés.
Avec mes soeurs et mon frère, nous le quittions plus des yeux au travers de la vitre arrière, et dans le vacarme que faisait le moteur dans le silence de la nuit, nous sentions le long de nos joues couler de petites larmes, en sanglotant nous étions blottis les uns contre les autres.
Au bout de plusieurs mètres notre Tarzan capitula et s'arrêta net, haletant, exténué par cette longue course inégale face au bolide de mon père, vous pensez une Peugeot 203 !!, dont la conduite s'est avérée très nerveuse ce soir là.
Un silence lourd régnait tout le long du trajet, nous avions sur notre galerie, où porte-bagages, un matelas roulé comme un saucisson, deux valises, une malle en tout et pour tout .Notre première destination, nous devions traverser Sidi Bel Abbés située à 60 kilomètres au Nord du Telagh, mon Dieu que ce trajet fut long et pénible dans cette atmosphère si lourde et pesante dans la 203 grise.
Chacun d'entre nous, repensions à ce que nous n'avions pas pu prendre faute de place, on aurait aimer tout prendre, comme dirait certain, certes notre voiture était assez confortable pour l'époque, mais avec quatre enfants dont moi le plus âgé 16ans et le plus jeune 7 ans, il ne restait plus beaucoup d'espace pour d'autres bagages même de fortune ,sur la banquette arrière.
Mon père refaisait constamment le point concernant l'itinéraire, car il nous fallait ensuite rejoindre la ville d'Oran, située à environ 80 kilomètres me semble t-il, tiens je crois d'ailleurs que nous étions immatriculés en 9 G pour l' Oranie et 9 A pour Alger.

Oran, après avoir franchi de multiples barrages, subit plusieurs fouilles et vérifications de papiers par la Police locale et membres du F L N ( Front de Libération Nationale ),nous traversions certain quartier complètement en ruine suite aux opérations de destruction appelées "Terres Brûlées" pratiquées par l' O A S ( Organisation Armée Secrète ).
Nous pouvions apercevoir d'épaisses fumées noires qui s'élevaient dans le ciel avec une odeur désagréable de caoutchouc brûlé et de mazout. Nous étions loin d'être rassurés, car au loin nous entendions plusieurs explosions accompagnées de tirs de fusils et d'armes automatiques.
Arrivés enfin au Port d'Oran, d'énormes paquebots étaient à quai comme le Ville D'Oran, Le Kairouan, les quais étaient noirs de monde, des milliers de personnes attendaient leur tour d'embarquement avec au sol leurs valises ,des malles ,des matelas. 

Après moultes palabres et heures d'attente, pour finalement nous entendre dire qu'il n'y avait plus de place pour nous, mais restait encore des places disponibles pour l'embarquement de voitures à destination de Marseille, Sete, Port-Vendres.
Très difficile pendant cette période d'obtenir des billets de bateau ou d'avion tout était complet, les départs furent tellement massifs et inattendus, il faut dire que personne n'avait envisagé un départ aussi soudain, ça nous semblait tellement irréel de tout quitter, de tout abandonner, personne n'y croyait vraiment jusqu'à l' Indépendance du 1er juillet 1962.

Aujourd'hui je suis choqué et je m'aperçois, que notre village se vidait petit à petit ,et que tout le monde partait le plus discrètement possible,même parmi nos proches ,amis ,chacun avait peur d'annoncer son départ , Peur !! , Peur de quoi, une fuite, des représailles, n'oublions pas également que certain ont du fuir précipitamment suite à des menaces réelles ou fictives pour s'emparer de nos biens....est-ce pour ne pas compromettre la sécurité de notre fuite ? que sais-je !!! .

C'est le choix par obligation, que mes parents ont fait comme tant d'autres, d'envoyer le véhicule sur Marseille et prendre l'avion ,de ce fait nous nous sommes rendus à l'aéroport d'Oran La Senia,où nous avons pu obtenir des places ,après pas mal d'attente au milieu d'une foule nombreuse .
L'avion en partance pour la France Aéroport de Marignane près de Marseille, était je m'en souviens comme si c'était hier ,une Caravelle en très bon état ,par contre subsiste un doute et ma mémoire me fait souvent défaut ,s'agissait-il de Air Algérie je crois que oui ,ou Air France ? en 1962.
C'est avec une certaine appréhension et curiosité et je dois dire ,avec fierté que nous montions à bord de cet énorme oiseau ,c'était bien sûr notre premier vol.
Je le dirai souvent je crois, nous étions nous, enfants inconscients, moi un peu moins peut-être, vu mon âge par rapport à mes soeurs et frère,nous nous apprêtions à nous envoler vers un Pays certes La France notre Pays ,mais inconnu de tous du moins des jeunes générations.
Car la plupart de nos pères Pieds Noirs ont foulé le sol Français, comme mon père et tant d'autres le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie avec la 2e D.B  Division Blindée du Général Leclerc pour enfin libérer notre Capitale Paris et terminer par la Libération de Strasbourg, et revenir certain seulement, une fois leur devoir de citoyen français accompli vers Le Telagh leur village natal.

Une fois sur le sol de l'aéroport de Marignane, il fallait nous rendre au Port de Marseille pour récupérer la voiture, au milieu des containers en ferrailles certains éventrés, valises , malles, matelas au milieu d'une foule triste en pleurs ,perdue , déracinée ,composée de jeunes enfants ,de bébés ,de grands-pères ,de grands-mères, de vieillards ,d'handicapés,au milieu de milliers de malles ,valises, pour ceux qui ont pu ramener quelques affaires .
Cette foule était composée et représentait toutes les nationalités ayant vécu en Algérie, Français Espagnols, Italiens, Juifs, Musulmans, Harkis, Maltais, Siciliens, Sardaigne, Corse.
Des attentes interminables, de multiples démarches sur les quais à faire avant de prendre possession, pratiquement de notre seul bien de valeur que nous ayons pu ramener.
Personne ,pas une âme chaleureuse pour vous accueillir à notre arrivée ,au contraire nous avons été maudits ,insultés ,traités de sales Pieds Noirs, accusés par la suite de nous accaparer de leur travail ,leur logement ,leur fille ,parait-il tous de gros et riches colons , des colonisateurs .Tu parles…. !

On semble oublier que l'Algérie ,ou faut-il le dire et le redire c'était la France ,la population était également composée de Fonctionnaires,d'Ouvriers ,de Postiers ,Cheminots ,Gaziers ,Enseignants ,de Médecins, Banquiers, Ingénieurs ,Policiers ,et Gendarmes et j'en passe ,tout simplement le reflet de toute Société.
Personne n'avait pensé à cette arrivée massive des Pieds Noirs quittant subitement l'Algérie, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran où de nombreux Européens furent assassinés, ne fit qu'accélérer l'exode de plus d'un million de personnes. Et bien sûr rien n'était prévu, les structures d'accueil ont été longues à se mettre en place volontairement ou pas par certain Maire paraît-il comme celui de Marseille Gaston Defferre qui voulait rejeter Tous les Pieds Noirs à la mer.
Dans sa déclaration dans Paris-Presse le 22 juillet 1962 ,il aurait déclaré que Marseille avait 150 000 habitants de trop " Que les Pieds Noirs aillent se réadapter ailleurs ".

Faute de structures d'hébergement les premiers soirs avec beaucoup de difficultés nous n'avions pas d'autres alternatives ou solutions que d'aller dormir à l'hôtel, vers la Canebière et la gare St Charles,où certains hôteliers n'hésitent pas à pratiquer les prix
forts en profitant de cet afflux de "Touristes".

Une fois le véhicule récupéré, nous sommes partis à Perpignan, après un long séjour en pension familiale vers les cabanes de Fitou dans l'Aude ,pour trouver enfin un logement et travail dans les Pyrénées Orientales devenues notre Terre d'accueil au Boulou précisément ,et notre intégration s'est tellement bien faite que nous avons tous pris pour époux et épouses ,catalans ou catalanes, Pays où il fait bon y vivre ,même si j'ai du à nouveau m'expatrier en Région Parisienne 1970 pour suivre mon épouse qui avait obtenu un poste d'enseignante.

Avant de terminer mon histoire, je voudrais rendre Hommage à mes Parents, à tous les Parents Pieds Noirs, ou pas Pieds Noirs qui ont connu cette Tragédie Humaine, l'Exode de 1962.
Il faut leur rendre Hommage ils ont su avec courage et bravoure, redémarrer à zéro, sans jamais rechigner, pour rebâtir, reconstruire, sans oublier leur tâche principale nous élever, nous donner une éducation, un travail tout ça dans la dignité et la fierté avec peu de moyens le tout sans Haine ni Rancune et avec Amour...Nos Aïeux n'étaient-ils pas tous des Pionniers ?, rien ne les arrêtaient même les taches les plus ardues  .
Un grand Merci à tous nos parents pour leur réussite,leur parfaite intégration en se fondant dans la masse le plus discrètement possible ,en oubliant même leur origine de peur d'être montré du doigt et traités de " Sales Pieds Noirs "..aujourd' hui heureusement nous en rions encore.
Grâce à eux, à leur sens de l'Honneur, de Fierté de voir la réussite de tous leurs enfants, Un grand Merci à eux, pour ce que nous sommes devenus aujourd'hui.
Finalement avec le recul, certains finissent par penser que c'est une bonne chose d'avoir quitté notre Afrique, quel Avenir aurions nous eu là-bas, pour nous, pour nos enfants ?.


Subitement j'ouvre mes yeux, les larmes viennent naturellement et coulent tout doucement le long de mon visage ,que je tente discrètement ,et timidement d'effacer. 
Nous avons entre-temps j'en suis sûr, traversé, retraversé maintes et maintes fois la Mer Méditerranée, par avion, par bateaux en partance de Paris, Lyon, Marseille, Sete, Port-Vendres,pour arriver à Oran, Alger, Constantine,Tlemcen.
Certain réellement, d'autre fictivement ou dans leur rêve, pour certain le désir d'y retourner reste très fort encore aujourd'hui, mais le souhait de conserver leur souvenir intact ,l'emporte,..
Mais jusqu'à quand….?.

Des Années, et des Années se sont écoulées depuis1962…
C'est un autre Monde ......de nouveaux Paysages, de nouveaux Horizons, de nouveaux Parfums,une autre Vie qui s'ouvre à nous .
Une autre Histoire qui commence  !! Qui recommence.

Faut-il Tourner la page  ...Regarder devant...., se Retourner ... Oublier,...se Taire …
Remuer le couteau dans la plaie qui pour certain est si profonde et dont la cicatrisation
fait si mal .....se Souvenir.....Transmettre…..Ecouter… Comprendre … Pardonner…
Oui Pardonner ..?

Nos historiens mais que font-ils ?..Les Médias… La Presse …..Mais je ne peux leur en vouloir aujourd'hui. !
Ne nous sommes pas tus nous-mêmes, pendant quarante cinq ans ?
Heureusement maintenant, avec l'apport d'internet, nos Coeurs commencent Enfin..
à s'ouvrir.

Merci d'avoir pris le temps de me lire.

Ce soir j'ai posé ma plume, et laisser parler mon Cœur.

Pardon !!!!    Une petite larme….


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.
Vous pouvez voir la Vidéo .

Le 04.10.2008


NOTRE DEPART D' ALGERIE UN ETE 1962.doc

SOUVENIRS 33 LE TELAGH - Jules Segura


VACANCES A PORT-AUX-POULES 1959-1960

Colette , Effectivement presque chaque année nous partions à la mer ,calés derrière
notre Peugeot 203 grise que tu connais pour avoir effectué le trajet avec mon papa ,
pour rejoindre Marcello et ta soeur Edouarde cap Port-aux-Poules plage..
Pour nous les enfants, c'était les grandes vacances loin de notre campagne, nos parents louaient des bungalows, cabanons ou villas en bois sur pilotis ,je crois que c'est le terme exact à l'époque sur un sable chaud et fin en bord de mer ,pas loin de grosses dunes de sable , à Port-Aux-Poules ,village romain dont le nom était Porto Poulos ou Portus Paulus sur le Golfe d'Arzew et vers le Cap Ferrat.
On nous gardait à tour de rôle ,cette tâche était réservée essentiellement à nos mamans ,la mienne ,mes tantes ,Emilienne épouse à Denis ou Françoise l' épouse à Jean celui du cinéma Le Palmarium à Sidi Bel Abbés Avenue Kleber, les papas repartant travailler à la ferme ,aux champs ,commerce ,transport d'alfa etc .
Enfants nous bénéficions souvent de près de 2 mois de vacances ,aussi nous revenions au village , tous noirs comme des corbeaux brûlés par le soleil et le vent de la mer.
Certain week-end la famille arrivait à tour de rôle ,Alphonse, Michel pour quelques fois seulement 2 ou 3 jours car les papas repartaient pour leur travail.
Mon oncle Denis lorsqu'il venait nous rejoindre les week-end avec son camion marque BERLIET, transportait et ramenait ,tout le nécessaire en équipement pour notre séjour,du sommier au matelas ,les tentes ,grosses toiles que nous mettions aussi au dessus des terrasses pour nous abriter du soleil.
Lorsque nous partions tous ensemble à la mer , adultes ,enfants , une personne se détachait du groupe , il s'agissait toujours du grand Marcello qui portait un grand parasol sur ses épaules, mais vraiment le parasol familial offert lors de l'achat d'un tracteur Américain agricole ,et lorsqu'on l'ouvrait on pouvait apercevoir une publicité Massey Harris de chez Ferguson et oui déjà...
Nous étions je pense en 1959 -1960, et une chose aussi nous interpellait et nous frappait c'était la différence énorme de taille entre le grand Marcello et mon oncle Denis que nous appelions " Doubles pattes " et " Patachon " je crois , aussi adorables l'un que l'autre.

Je n'ai que de vagues souvenirs de mon enfance ,mais il y en a un que je ne n'oublierai jamais , imaginez je n'étais pas plus haut que trois pommes,nous partions nous baigner sans jamais oublier notre bouée énorme de camion à laquelle nous avions fixé avec l'aide de mes oncles une planche , qui nous servait selon le sens de plongeoir pour notre plus grand bonheur .
Mais quelqu'un que j'adorais par sa gentillesse et sa disponibilité ,c'est toujours vrai ,aujourd'hui , m'impressionnait ,il s'agissait du cousin ,du grand Marcel Segura dit " Marcello " qui du haut de ses 2 mètres, nous poursuivait en courant dans l'eau ,avec ses grandes jambes et sa carrure d'athlète,éclaboussant et renversant tout sur son passage ,qui par un dernier plongeon nous saisissait par les jambes et nous faisait boire la tasse .
Il était très taquin avec les enfants et nous le taquinions également tout le temps ,sous le regard amusé de son épouse Edouarde qui était dirons nous de taille moyenne !!!.
Les premières années à Port-Aux-Poules , plage située au-dessus d' Oran entre Arzew et Mostaganem ,furent très dures et pénibles, comme nous bordions la rivière La Macta nous étions dévoré dès la nuit arrivée par une multitude de moustiques , malgré la citronnelle , vinaigre etc .
Aussi un souvenir pas agréable et merveilleux à la fois me revient , afin d'éviter de nous faire dévorer tout cru nos oncles faisaient un grand feu de bois sur le sable fin avec des palettes en bois et branches recueillies le long de la Macta afin d'éloigner ces immondes bestioles .Vous imaginez notre joie de gamin nous attendions ce moment où le feu avait bien pris et crépitait dans la nuit , nous entamions garçons et filles la danse des sioux autour de ce feu magique ,en poussant des hurlements et cris comme le feraient de vrais indiens .
Aussitôt me vint à l'esprit, lorsque j'étais enfant afin de sauvegarder la moisson de blé, d'avoine , d'orge ,quand les agriculteurs faisaient de grands feux pour éloigner les nuages noirs et immenses de sauterelles, qui venaient s'abattre sur les champs pour ravager en un temps record toute la parcelle de céréales , au grand désarroi de tous .

La Macta cette rivière dont le poisson était abondant , nous allions pécher avec mes cousins germains Jean et François pendant des heures .
Nous avions une technique toute particulière , afin de nous procurer comme appât des petits poissons pour la pêche , mais qui n'était pas sans difficulté car il fallait casser et faire une ouverture dans le cul d'une bouteille à fond creux, sans se blesser et sans briser la bouteille ,en protégeant nos yeux des éclats éventuels de verre .
L'ouverture une fois pratiquée, nous mettions de la mie de pain au fond de la bouteille du moins vers le goulot que nous plantions dans le sable et dont l'ouverture se trouvait en haut , la bouteille complètement immergée dans l'eau de la rivière ,les petits poissons en entrant par l'ouverture venaient manger le pain et une fois dedans ne pouvaient plus sortir .

Par la suite vint heureusement la démoustication avec l'assèchement de la vallée de la Macta et l'assainissement de la rivière , pour notre plus grande joie ,nous pouvions rester torse nu à la tombée de la nuit sans la moindre piqûre.
Les températures au mois de Juillet Août en Algérie et précisément en Oranie,étaient vous vous l'imaginez très bien, très élevées, rien à voir avec les températures de notre village Telagh altitude 872 mètres situé entre Sidi Bel Abbés et Bossuet dans les hauts plateaux où nous avions un vent très chaud et sec venant du Sahara appelé le Sirocco ,souvent chargé de sable , et qui par son souffle si puissant ,arrive même aux pieds de notre Capitale Paris bien sûr.
En bord de mer les températures élevées paraissent plus douces , car souvent accompagnées d'une légère brise ,les sorties nous étaient interdites l'après-midi ,aussi nous avions une petite sieste d'imposée ,mais pas à l'intérieur de la villa ,mais sous les pilotis à l'ombre où régnait une douce fraîcheur, nous nous allongions sur le sable frais et quelque fois un peu humide,…mais nous chahutions souvent .
Nous fermions les yeux à moitié....Heureux avec l'insouciance de notre Jeunesse .On était bien...nous écoutions les mouvements de va et vient de la mer si bleue , même les mouettes semblaient heureuses ,bercées par une brise légère, dans ce ciel d'un bleu si pur et où le soleil brillait de ses mille feux.

J'ouvre mes yeux ...la fin d'un rêve ..
les larmes viennent ..car je sais que je ne revivrai jamais plus de tel moment,
ces moments de Bonheur,car nous venons de quitter notre Enfance ,l'Algérie ,l'Afrique,
un Continent .
C'était en 1962.

Merci d'avoir pris le temps de me lire .


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

Le 25.09.2008


VACANCES A PORT- AUX- POULES 1959-1960.doc

SOUVENIRS 34 LE TELAGH - Herminie Alonzo Martinez


TEMOIGNAGE D' UNE RAPATRIEE
Herminie ALONZO-MARTINEZ

Je tiens à préciser qu'au moment où les événements d'Algérie ont débutés, les communautés européennes et musulmanes de notre secteur vivaient en bonne entente. Le  racisme était inexistant dans notre quotidien. Nous vivions en parfaite accord du moins le pensait t'on. J'ai travaillé de longues années avec des collègues algériens et mes enfants avaient tout  naturellement des camarades algériens ,  sans que cela pose l'ombre d'un problème.

Le 1er novembre 1957 des événements d'insurrection ont débutés en Algérie et plus particulièrement  dans les AURES . Des attentats avaient été commis d'abord dans les djebels pour peu à peu se propageaient vers les fermes, les villages et les villes. La situation commençait à devenir " critique " sur tout le territoire.
Nous savions naturellement que des attentats étaient proférés un peu partout dans le pays mais tout cela paraissait encore bien abstrait . Nous n'étions pas alors au cœur des événements….

Très vite l'inquiétude se fit grandissante parmi la population. Nous vivions tous très mal cette situation d'insécurité. Le malaise était palpable…
Puis des attentats se sont rapprochés,  pour arriver jusqu'à nos portes.
Des fermes étaient brûlées, des familles égorgées, le couvre feu instauré..… La tension devenait insoutenable.  La peur faisait partie de notre quotidien.

J'étais à l'époque  en service à la Sous Préfecture du Télagh (ancienne commune mixte) qui administrait 16 communes de plein exercice et 15 douars.
La commune mixte a été érigée en Sous Préfecture en 1958.
Nous avions, en Sous Préfecture,  un service radio ce qui nous permettait d'avoir des nouvelles au quotidien. Nous étions de ce fait parfaitement au courant de l'avancée des événements et surtout de leur ampleur.

La situation devenait de plus en plus critique au fil des jours. Des rumeurs circulaient au sujet d'un  éventuel arrêt des événements. !
Il y eu alors la signature des " accords d'Evian " le 19 mars 1962 . Mais hélas le massacre était loin d'être terminé. Après ce 19 mars  de nombreux attentats ont continué d'être perpétrés. Les morts de part et d'autre étaient légion.

Le 15 mai 1962 le Sous Préfet algérien du Telagh qui revenait d'une mission à Tiaret a été assassiné. Mon époux ainsi qu'un adjudant de gendarmerie qui faisait partie de l'escorte sont morts ce jour là dans l'embuscade. Des innocents, victimes de balles aveugles comme tant d'autres… Mon mari avait 43 ans, les autres à peine plus.
Ce jour là pour nous le glas a sonné ………….. !

Après cet attentat,  la situation est devenue extrêmement tendue de part et d'autre au sein de la commune. Les européens ont alors commencé à déserter les lieux, abandonnant tous leurs biens avec  au cœur, le secret espoir de revenir …. mais pour l'heure il n'était question que de sauver sa peau .
En quelques jours il n'y eu plus ni femmes ni enfants dans le village.

Le 12 juin 1962 au petit matin, mes 3 enfants en compagnie de ma mère ont quittés la maison sous escorte militaire pour rejoindre Oran … "  destination Marseille ". Ils allaient  rejoindre, notre famille qui se trouvait déjà dans l'Est de la France. Une chance que n'avait que peu de rapatriés en partance.
Nous, dans notre malheur nous avions cette chance là. On nous attendait là bas de l'autre côté de la mer..…….

Après l'assassinat du Sous Préfet,  l'armée s'est installée à la Sous Préfecture avec pour mission l'expédition des affaires courantes et en particulier l'établissement des CNI, un laisser passer indispensables aux Français désireux de quitter l'Algérie. C'est dire que le travail ne manquait pas...

Je suis restée en service jusqu'au 25 juin 1962. Mes collègues avaient tous quitté bien avant moi leur poste,  l'indépendance devant intervenir le 1er juillet 1962…

Le 27 juin 1962 j'ai quitté l'Algérie  … destination la France.
Arrivée à Marignane je n'ai eu qu'une hâte, retrouver  ma famille dans l'Est de la France,  et qu'un souhait,  reconstruire pour eux une nouvelle vie.

" Ce 27 juin 1962  au petit  matin en quittant sous escorte militaire Le Telagh , j'ai dit adieu pour toujours à ma chère Algérie ainsi qu'à tous nos morts restés là bas…. "

Martinez-ALONZO Maria Hermina.
Née le 26/01/1920.

Le 25.11.2008

Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

TEMOIGNAGE D'UNE RAPATRIEE

SOUVENIRS 35 LE TELAGH - Jean-François Segura

             
"Le monde, hier, demain, toujours nous fait voir notre image"  Baudelaire

Mes premiers rapports avec la lumière

"TRAGIQUE EST LA LUMIERE".

·- ALGERIE : la peur règne. Tout autour du village les habitants ont installé des postes de garde. Un homme veille. Il entend des bruits de pas dans la nuit, il arme son fusil, demande apeuré "qui va là?"... Pas de réponse... Une silhouette apparaît, il tire, la masse sombre s'effondre, des gens accourent, s'approchent du cadavre et découvrent que c'est un habitant du village, un ami... Erreur tragique.
J'ai 6 ans, je suis vêtu de blanc, cela me plaît, je me trouve beau, je transporte fièrement un récipient contenant de l'eau bénite, j'avance à côté du curé en tête du cortège.
La lumière est blanche, dominatrice, puissante, elle écrase tout. Dans cette éclaboussure lumineuse, les hommes et les femmes vêtus de noir sont des silhouettes tranchantes. Chose étonnante, c'est la première fois que je vois des hommes pleurer.
J'ai soif, j'ai envie de boire de l'eau bénite. Dans le cimetière, un trou noir et rectangulaire me fascine, les hommes mettent la boîte dans ce trou. Je suis très impressionné par le sérieux de cette cérémonie mais je ne comprends pas vraiment.

·- J'ai 6 ans. Il est 17 puis 18 puis 20 heures, mon père et mon oncle ne sont toujours pas revenus de la ferme qui se trouve assez loin du village. Ma tante et ma mère sont terriblement angoissées, elles attendent. Soudain un cri. La camionnette descend doucement, doucement, elle est criblée de balles, elle s'immobilise devant la porte. Tout s'immobilise, le temps s'est arrêté, c'est mon père qui conduisait, il a la tête appuyée contre le volant et il pleure, mon oncle aussi.
Je comprends, je comprends que le trou noir était proche. Mais la peur que les grands m'ont transmise disparaît aussitôt... Bonheur... Je m'agrippe à leurs jambes, je veux les embrasser. Ce soir, c'est la fête de la vie, c'est la fête du bonheur.
Maintenant, même adulte, quand le soleil part et que la nuit arrive dans cet espace que l'on dit entre chiens et loups, j'ai souvent l'impression qu'un miracle va arriver, que le temps va s'immobiliser. L'Eternité

"Tragique est la lumière
Ô bonheur sourd je suis"

·- ALGERIE. J'ai 7 ans. Ma mère me sert très fort dans ses bras, elle m'embrasse et pleure, elle me dit : "mi hijico,  mi vida, mi luz"
Puis elle embrasse ma soeur qui a 9 ans qui elle, comprend et pleure aussi. Une grande personne me prend la main, m'éloigne de ma mère, de ma terre, de mon soleil, je me retourne, je comprends, je hurle, je hurle à la mort.
C'est trop tard. Un grand bateau me transporte sur l'autre rive.
"Tragique est la lumière
Ô bonheur sourd je suis
Je n'entend plus le moindre bruit
Que les battements de mon coeur
Dans la nuit"


"  mi hijico,          mi vida,    mi luz " 

"  Mon petit fils ,  Ma Vie ,    Ma Lumière  "


Jean-François Segura.        Le 01.12.2008


Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.

SOUVENIRS D' ENFANCE D' ALGERIE

SOUVENIRS 36 LE TELAGH -  Denis Kremer

Manisfestation d'enfants au Télagh (juillet 1958)


En rangeant des documents familiaux, j'ai retrouvé ces vielles photos. Au dos de l'une d'elle, ma chère maman a écrit: " Le 13 mai 1958 au Télagh. " Je crois pour ma part, pour me souvenir du 13 mai 58 au Télagh, et en raison d'un indice sur la photo numéro 1, qu'il s'agit des photos de la manifestation d'enfants au Télagh, début juillet 1958. Qui est l'auteur des photos? Peut-être un gendarme qui les auraient ensuite données à mon père. (Mon père commandait la section de gendarmerie du Télagh).
Voici cette histoire de gamins, ou comment un jeu d'enfants devint une manifestation patriotique rapportée par l'écho d'Oran.
Fin juin 1958, ma sixième terminée au lycée Laperrine de Sidi Bel-Abbès, je rentre au Télagh pour les grandes vacances. Les copains de la gendarmerie me disent qu'ils ont organisé un grand jeu pour fêter mon retour: nous allons faire un grand défilé militaire. J'adhère avec enthousiasme à l'idée, mais l'un des gamins fait remarquer que dans la cour de la caserne ce ne serait qu'un petit défilé: si l'on veut faire un " grand " défilé, il faut défiler dans les rues du Télagh. Proposition adoptée bien sûr à l'unanimité, et nous voilà tous parcourant le village pour rameuter les copains. Enthousiasme général et communicatif.


Nous rencontrons le fils Cambon, le fils du maire. Douche froide. Il nous faut, dit-il, l'autorisation de son père pour pouvoir défiler dans la rue. Nous ne sommes pas d'accord car nous ne voulons pas l'intrusion d'adultes dans notre histoire de gosses. Mais le fils Cambon est formel: " pas d'autorisation de mon père, pas de défilé. " Il nous faut donc passer par cette fourche caudine, et nous voilà devant Monsieur le maire, qui nous écoute, semble approuver, et nous pose la question fatale: " Pourquoi voulez-vous faire ce défilé? "
C'est la cata, adieu lait, veaux, vaches, cochons. Nous sommes anéantis, mais tout à coup, ça m'échappe sans contrôle: " Nous voulons manifester pour demander la libération de mon cousin Serge qui a été enlevé par les fellagahs. " Monsieur Cambon, bien sûr, nous donne sa bénédiction mais nous dit-il, il nous faut de plus l'autorisation du commandement militaire. Il décroche son téléphone et nous organise un rendez-vous avec le colonel commandant les troupes du Télagh.

De la mairie au PC militaire il n'y avait qu'un pas, et nous voilà, franchement émus et presque tremblants devant le colonel. J'ai le souvenir qu'il était entouré d'adjoints qui me firent forte impression par leur allure de cow boys avec leur chapeau de brousse et l'arme pendante à la ceinture. Il nous interroge sur nos motivations, bien sûr devenues très fortes depuis que nous avons trouvé l'alibi de mon cousin, et nous met un sous officier à disposition pour nous aider (nous surveiller?). Il nous promet un drapeau. Il nous reste encore une couleuvre à avaler: il va de soi que tous les enfants du Télagh participent à la manifestation, donc les filles aussi. Avec les filles? Tu parles d'un défilé militaire!
 

Il est convenu que le défilé partira le lendemain après midi de la gendarmerie, descendra la grande rue et ira au monument aux morts, où il faut bien le dire nous ne savons pas trop quoi organiser. Quelqu'un suggère, sans trop de conviction, d'y réciter des prières.
Nous voilà sur le point de démarrer le défilé, n'attendant plus que le drapeau promis. Il arrive, mais pas seul. Il y a une femme d'officier qui vient avec son gamin, tout de blanc vêtu, gamin visiblement adopté: il est d'origine malgache. Personne ne le connaît et pour cause. Plus tard, moi même militaire je connaîtrais ces affectations à l'étranger en zone à risque, dites " postes célibataires " où l'épouse est tolérée par l'armée, un mois l'été, le plus souvent sans enfant. Nous n'en voulons pas de cet inconnu mais finissons par l'accepter, à condition qu'il se mette en queue de défilé. Que le lecteur nous pardonne cette attitude peu louable: nous étions gamins et donc inconséquents. Cependant la maman ne l'entend pas de cette oreille. Non seulement elle veut son fils devant, mais elle exige que ce soit lui qui porte le drapeau, sinon dit-elle, " je vais prévenir mon mari et il n'y aura pas de défilé. " C'est donc lui que nous voyons sur la photo, en tête et portant le drapeau. Le souvenir très clair et amusé de cet incident me fait dire avec certitude qu'il s'agit bien des photos de cette manifestation et non  celles du13 mai 58.
Le défilé se déroule sans aucun incident, le porte drapeau devant, suivi des filles, galanterie oblige.


Au monument aux morts, l'un d'entre nous a la bonne idée d'entonner la Marseillaise et nous voilà tous à chanter. Sur la photo je reconnais le fils Cambon, et je me reconnais. La population du Télagh, pied noir et musulmane assiste, curieuse, à la manifestation.


À peu de temps de cet événement, mes parents vont passer la journée à Oued Imbert chez mon oncle Alex. Ma tante Germaine, la mère de Serge, est là. Elle a lu le petit article dans l'écho d'Oran et me sert très fort et très longuement dans ses bras, m'embrasse; elle est en sanglots: " je n'oublierai jamais ce que les enfants du Télagh ont fait pour Serge. " Je n'ai pas le cœur de dire que tout est parti d'un jeu de gamins.
L'été passe puis la rentrée scolaire arrive. Je retourne au lycée Laperrine. J'y suis accueilli par un grand (pour moi était un " grand " tout élève de troisième et au delà). Il m'interpelle par un très soupçonneux: " tu as été enlevé par les fellagahs toi? " Il faut dire que l'article paru dans l'écho d'Oran contenait les approximations et ambiguïtés habituellement trouvées dans la presse locale. On pouvait en déduire, avec certes un peu d'imagination, que c'était moi qui avait été enlevé et miraculeusement retrouvé, et que les enfants du Télagh avaient spontanément manifesté à mon retour. Pour Serge, hélas, il n'y eut pas de miracle.
Longtemps je me suis senti coupable de trahison à la mémoire de mon cousin: c'est ma saillie inconsciente en réponse à la question du maire qui a transformé un jeu d'enfants en affaire de grands. Mais avec ces photos, j'ai retrouvé ce poème daté de juin 1958 et pieusement conservé par ma mère, ce qui en quelque sorte m'absout. Ce gamin qui est moi, pas encore onze ans, me plait. Il ne se laisse pas abattre par l'adversité et ne songe qu'à une chose: s'évader. Par ailleurs j'adore la formule typiquement pied noir: " si j'aurais... " et note les fautes d'orthographe, mais ça, c'est universel. J'imite, plutôt mal, la signature de mon père. Non que je m'entrainais pour le carnet de notes, mais parce que j'avais et ai toujours eu la plus grande admiration pour lui.


le diaporama est visible à l'adresse:

http://jalbum.net/browse/user/album/768610/;jsessionid=nn2zhw4vqhkewvbpbm1tcu90


Le 10.01.2011

Denis  KREMER

Merci de cliquer sur le Bouton-Lien en bas
si vous souhaitez lire et imprimer le texte.


le telagh manifestation d'enfants 1958

MUSIQUE


Bonjour un lecteur de musique à votre
disposition pour rendre plus agréable
la visite du site 290 Chansons.
Vous avez la possibilité de faire pause,
passer à la chanson suivante afin de
l'écouter avec les flèches  vers la droite .
Ou ne rien faire et les chansons défilent
les unes après les autres.



Julio

TRADUCTION DE LA PAGE





Crée Lauyan Toweb Segura Copyright © 2008.Tous droits réservés.                                                          Mise à Jour:mercredi 20 juin 2012